Ronnie Biggs, le braqueur globe-trotter

Ronnie Biggs au bord de son piscine en 1995, à côté de sa sculpture réalisée par Nick Reynolds, le fils de Bruce Reynolds, cerveau de l'attaque du train postal.
Ronnie Biggs au bord de son piscine en 1995, à côté de sa sculpture réalisée par Nick Reynolds, le fils de Bruce Reynolds, cerveau de l'attaque du train postal. © Reuters
  • Copié
Charles Carrasco
PORTRAIT - L'un des auteurs de l'attaque du train postal Glasgow-Londres en 1963 est mort à 84 ans.
Ronnie Biggs 930

© Max PPP

L'INFO. Il était l'un des braqueurs les plus célèbres de Grande-Bretagne. Le britannique Ronnie Biggs, l'un des auteurs de l'attaque du train postal Glasgow-Londres en 1963, est mort mercredi à l'âge de 84 ans, a annoncé le ministère de la Justice. Ronnie Biggs, qui s'était rendu célèbre par une rocambolesque cavale de 36 ans après un casse entré dans la légende, vivait dans une maison de retraite dans le nord de Londres. Qui était ce fantasque délinquant ?

Un casse à 54 millions d'euros. Son histoire est digne des meilleurs films de gangsters. Son fait d'armes le plus célèbre a lieu dans la nuit du 7 au 8 août 1963. Ronnie Biggs, accompagné d'un gang de onze hommes -dont un pilote de course et un fleuriste-, est parvenu à arrêter un convoi ferroviaire en trafiquant la signalisation du feu rouge. Après avoir blessé grièvement le conducteur du train, lui et ses "frères d'armes" se sont emparés de 120 sacs de billets de banque. Ils se sont ensuite partagé la somme record pour l'époque de 2,6 millions de livres, l'équivalent d'environ 54 millions d'euros aujourd'hui.

"C'était un imbécile. Un petit voyou londonien dont personne ne voulait dans l'équipe, parce qu'il était le maillon faible", a proféré en guise d'oraison funèbre l'un de ses biographes, Anthony Delano, pour qui Ronnie Biggs était surtout un petit voyou.

>>> Son arrestation :

Ronnie Biggs 930

© Max PPP

Une évasion en sautant sur un matelas. Arrêté après le raid comme la plupart des membres du gang, Ronnie Biggs a été condamné l'année suivante à trente ans de réclusion. Ce qui l'a rendu encore plus célèbre que le casse, c'est son évasion. Il se fait spectaculairement la belle en 1965, en sautant sur un matelas disposé à l'arrière d'un camion bâché.

Il enregistre une chanson avec les Sex Pistols au Brésil. Commence une cavale en forme d'épopée de 13.068 jours. Après un bref passage en Belgique, il change de visage en France, à la faveur d'une opération de chirurgie esthétique. Le nouveau play-boy à rouflaquettes repéré par Scotland Yard en Espagne, s'enfuit en Australie puis gagne le continent sud-américain, traverse la jungle jusqu'en Argentine et en Bolivie. Il échoue au Brésil en 1970. C'est au pays de la samba qu'il a enregistré une chanson, intitulée Personne n'est innocent avec le groupe punk britannique, The Sex Pistols. A Rio de Janeiro, la police britannique le traque mais il ne pourra pas être extradé faute d'accord entre la Grande-Bretagne et le Brésil.

En plus, sa compagne, une danseuse de boîte de nuit et prostituée, est enceinte à ce moment-là et la loi brésilienne ne permet pas à un parent d'un enfant brésilien d'être extradé. Pour narguer la police, il organise même des barbecues dans sa maison où les visiteurs peuvent acheter des tee-shirts sur lesquels est écrit : "j'ai été à Rio et j'ai rencontré Biggs".

>>> Une photo avec sa femme en 1974 :

Ronnie Biggs 930

© Max PPP

Il est transporté vers l'île de la Barbade. Sur une vidéo amateur, on le voit sabler le champagne, coiffé d'un faux casque de bobby, un souvenir en plastique pour touristes. En 1981, une bande de mercenaires le kidnappe. L'objectif est de le rapatrier en Grande-Bretagne. Bâillonné, ligoté, enfermé dans un sac portant la mention "serpent vivant", il est transporté par bateau vers l'île de la Barbade. Mais la demande d'extradition échoue pour vice de forme. La justice de la Barbade ordonne son renvoi au Brésil.

Il finit par se rendre. Au total, sa cavale durera près de 36 ans. En 2001, il s'est décidé à rentrer en Grande-Bretagne, malade et ruiné, pour purger sa peine. Dans une interview à la BBC, le fugitif racontera "avoir grillé sa part du butin -147.000 livres- en trois ans". Pour son retour, il réalise un nouveau coup d'éclat : il l'annonce au plus célébère tabloïd, The Sun, qui va lui payer son billet retour. Ronnie Biggs sera libéré huit ans plus tard grâce à l'indulgence du Premier ministre de l'époque, Jack Straw.

Il ne pouvait plus parler. Sa dernière apparition publique remontait aux funérailles en mars dernier de Bruce Reynolds, cerveau de l'attaque du train postal. Dans son fauteuil roulant, Ronnie Biggs ne pouvait plus parler en raison d'une série d'accidents vasculaires cérébraux. L'homme était contraint de recourir à une affichette pour s'exprimer. La plupart de ses acolytes ont été arrêtés et condamnés à des peines de plus de 300 ans de prison au total.

>>> Avec son fils lors du lancement de son autobiographie en 2011 :

Ronnie Biggs 930

© Max PPP

De la fierté d'avoir participé au casse du siècle. En août dernier, à l'approche du cinquantième anniversaire du braquage, qui a coïncidé avec son 84e anniversaire, Ronnie Biggs avait prévenu : "si vous voulez me demander si j'ai des regrets d'avoir fait partie du gang, ma réponse est non". "J'irais même plus loin : je suis fier d'avoir été du groupe", disait-il. "J'étais là ce soir d'août, et c'est tout ce qui compte. Je suis un des rares témoins -vivants ou morts- de ce qui fut 'le casse du siècle'".

De cette vie rocambolesque, Ronnie Biggs concédait toutefois quelques regrets, notamment la mort du conducteur du train qui ne s'est jamais remis de ses blessures, et a fini par mourir d'une leucémie sept ans après l'attaque. Il emporte, dans sa tombe, certainement avec lui beaucoup d'autres secrets .