Qui est Joe Kennedy, le démocrate qui répondra à Trump face au Congrès ?

Si un grand nombre de démocrates le voient déjà au Sénat, voire à la Maison-Blanche, Joe Kennedy en revanche, veut prendre son temps.
Si un grand nombre de démocrates le voient déjà au Sénat, voire à la Maison-Blanche, Joe Kennedy en revanche, veut prendre son temps. © ROBYN BECK / AFP
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Désigné par les démocrates pour répondre à Donald Trump mardi après son discours sur l'état de l'Union, le petit-fils de Bobby Kennedy et petit-neveu de JFK incarne l'avenir du parti. Et pas seulement à cause de son nom.

Derrière ses boucles rousses, on croirait voir son grand-père, Bobby. Mêmes yeux bleus, même mâchoire carrée : c'est indéniable, Joe Kennedy III fait bien partie de la plus célèbre dynastie de l'histoire américaine, celle-là même qui a donné aux démocrates tant d'hommes politiques au cours du 20ème siècle. À 37 ans, le petit-neveu de JFK n'a certes pas encore le destin de son illustre aïeul, mais le représentant du Massachussetts au Congrès est déjà désigné par plusieurs observateurs comme l'étoile montante du parti. Mardi (mercredi après 3 heures du matin heure française, ndlr), c'est lui qui délivrera la traditionnelle réponse de l'opposition au premier discours sur l'état de l'Union du président Trump.

Un héritage politique à assumer. L'ancien procureur préfère pourtant la discrétion à la lumière des projecteurs. Bien sûr, son nom a toujours attiré l'attention. C'est d'ailleurs la fortune familiale, à grands coups d’achat de spots télévisés, qui lui a permis de se faire élire en 2012 – et deux autres fois depuis - dans sa circonscription du Massachussets, près de Boston. Plus qu'une région, un fief familial, dans lequel son père, Joseph Kennedy II, a lui aussi été Congressman.

Joe, lui, n’a pas connu ses illustres grand-oncle et grand-père, tous deux morts bien avant sa naissance. Mais tant l'ancien président que le sénateur, assassiné en pleine course à la Maison-Blanche en 1968, ont été une source d'inspiration pour lui. "Mon père m’a raconté que, lorsqu’il était enfant, mon grand-père et ma grand-mère obligeaient tout le monde à lire un article de journal pour en discuter à dîner. Ça donnait des conversations très animées. Moi aussi, j’ai été élevé dans l’engagement politique. Quand j’étais jeune, on parlait surtout des grandes causes comme la justice sociale, qui est un de nos chevaux de bataille, plutôt que de politique politicienne", confiait-il ainsi dans une entrevue à Paris Match, en 2012.

Une image de gendre idéal. En bon héritier de la lignée, Joseph Kennedy III cultive lui aussi l'image de gendre idéal qui a tant collé à la peau de ses ancêtres. Diplômé de Stanford et d’Harvard, comme son frère jumeau Matt, il était même surnommé "le laitier" par ses camarades de fac, pour sa propension à s'enfiler des verres de lait à la pelle, quand ses amis optaient plutôt pour une bonne bouteille d'alcool.

Joueur de crosse accompli, il s'engage, à 24 ans, dans les Peace Corps, une organisation humanitaire créée par JFK. Le jeune homme, qui se décrit lui-même comme "assez ennuyeux", part alors deux ans en République dominicaine pour aider au développement de programmes économiques. "L'expérience la plus formatrice de sa vie", avouera-t-il plus tard.

L'étoile montante des démocrates. Avant la politique, donc, où il entre sur la pointe des pieds. En 2014, il refuse même de prendre la tête du comité chargé de la réélection des démocrates du Congrès. Et évite soigneusement les caméras et les plateaux de télévision.

Son teint pâle se fait néanmoins de plus en plus remarquer sur les réseaux sociaux, où plusieurs de ses interventions deviennent virales. Après les violences racistes de l'été 2017 à Charlottesville, l'un de ses discours, prononcé depuis une tribune de fortune, a notamment été vu plus de 15 millions de fois sur Facebook. Un autre, dans lequel il dénonçait, au Sénat, la politique de Donald Trump en matière de santé, avait retenu plus tôt l'attention des caciques démocrates. "Wow. C'est un Kennedy qui pourrait être président. À voir absolument", avait même tweeté à l'époque Howard Dean, l'ex-patron du parti.

Un nom connu et apprécié - JFK est régulièrement classé comme le président préféré des Américains, devant George Washington, Abraham Lincoln et Ronald Reagan -, un CV parfait, des talents d'orateurs et un visage neuf : il n'en fallait pas plus pour faire de Joe Kennedy III le candidat idéal d'un parti qui espère raviver une flamme désespérément atone depuis l'élection de Donald Trump.

Patience est mère de sûreté. Si tous le voient déjà au Sénat, voire à la Maison-Blanche, lui en revanche, veut prendre son temps. "Ma vie est tellement remplie en ce moment que je ne suis même pas sûr de savoir où je vais déjeuner ce midi", tempère ainsi le jeune papa de deux enfants, qui ne veut pousser personne vers la sortie. Et surtout pas Elizabeth Warren, l'actuelle sénatrice du Massachussets, poids lourd du parti et bien partie pour être candidate à sa succession. Une figure que Joe Kennedy ne connaît que trop bien : c'est en assistant à son cours de droit, sur les bancs de Harvard, qu'il a rencontré sa femme.

"Un peu plus tard, si un poste de sénateur se libérait, oui, j'étudierais certainement la question. Mais le timing doit être bon pour ma famille et moi", expliquait aussi le rejeton Kennedy en mars 2017. La réflexion est sans doute la même pour la Maison-Blanche. David S. Bernstein, vétéran du journalisme politique made in Boston, verrait bien "Joe Kennedy III président, mais pas avant 2029".

Un discours à quitte ou double ? Il devra d'abord bien négocier son allocution télévisée de mardi, après le long discours du président américain devant les deux chambres réunies du Congrès. Un job honorifique, mais aussi ingrat. Ce message vidéo, que Joe Kennedy prononcera depuis un lycée du Massachusetts, fait rarement les gros titres, a fortiori si le président a multiplié les annonces auparavant.

En s'adressant aux classes moyennes, qui ont tant fait défaut au camp bleu lors des dernières élections, le jeune élu devrait jouer la carte du rassemblement. L'immigration sera aussi vraisemblablement au menu - des dizaines de "Dreamers" ont été invités par des élus démocrates à garnir les tribunes de  l'hémicycle de la Chambre des représentants. En ardent défenseur des droits civiques, Joe Kennedy, lui, a convié comme invitée personnelle une sergent-cheffe transgenre de l'armée de Terre, Patricia King, alors que Donald Trump a tenté d'interdire aux trans de rejoindre l'armée.

L'exercice peut cependant s'avérer périlleux : en 2009, le gouverneur de la Louisiane Bobby Jindal avait vu ses ambitions s'évanouir après une très mauvaise prestation ; quatre ans plus tard, le sénateur républicain Marco Rubio avait interrompu son discours pour chercher une bouteille d'eau, qu'il avait bue pendant de pénibles secondes sans lâcher l'objectif du regard, un moment entré dans les annales de la politique américaine. D'autres ont récité leur texte sans erreur, pour sombrer aussitôt dans l'indifférence. Rares sont cependant les Kennedy à être tombés aux oubliettes.