Le FBI accusé d'avoir poussé des musulmans... au terrorisme

Pour arrêter des terroristes et justifier sa politique, le FBI aide parfois un peu le destin.
Pour arrêter des terroristes et justifier sa politique, le FBI aide parfois un peu le destin. © REUTERS
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Damien Brunon , modifié à
UN PEU D’AIDE ? - L’ONG Human Rights Watch reproche aux Etats-Unis d’avoir parfois aidé de potentiels terroristes.

L’INFO. Le scandale de la NSA a montré que les méthodes des services secrets outre-Atlantique ne reculaient devant quasiment rien pour arriver à leur fin. Selon Human Rights Watch, il leur arrive même d’accompagner certains potentiels terroristes musulmans pour les pousser au crime. C’est en tout cas ce qui ressort d’un rapport publié lundi sur la thématique. “Dans certains cas, le FBI a créé des terroristes à partir d’individus obéissants à la loi en conduisant des opérations d’infiltration ou en créant chez la cible la volonté d’agir”, dénonce l’ONG qui a étudié avec précision 27 des 500 cas de terrorisme jugés aux Etats-Unis depuis les attentats du 11 septembre 2001. Selon elle, dans de nombreux cas, l’agent infiltré joue un rôle actif dans le montage du complot. Ca a notamment été le cas dans l’affaire du “Newburgh Four”, au cours de laquelle quatre personnes ont été arrêtées en 2009. Pour mieux comprendre les agissements du FBI, Europe1.fr a décortiqué l’histoire.

Un ancien drogué. Tout commence en juin 2008. James Cromitie, un ancien drogué de 45 ans qui avait admis devant un psychiatre avoir eu des visions et entendu des voix, rencontre sur le parking d’une mosquée de New York un certain Shahed Hussain. Ce qu’il ne sait pas, c’est que ce dernier n’est autre qu’un informateur du FBI qui tentait depuis un certain temps d’entamer des discussions sur le djihad avec les personnes qu’il rencontrait à cet endroit.

Pendant plusieurs mois, les deux hommes échangent régulièrement. Dans les premiers temps, Cromitie se montre très haineux vis-à-vis des Etats-Unis et raconte notamment à l’informateur de fausses histoires dans lesquelles il aurait tué le fils d’un dealer de drogue et posé des bombes dans des postes de police de New York.

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Pas convaincu par le djihad. Flairant le bon client, l’informateur Hussain tente alors de convaincre Cromitie de transformer son discours en acte. Dans leurs discussions, il le pousse de manière répétitive à avoir recours à la violence “au nom de l’Islam”. “Allah se chargera de ça”, lui répond à plusieurs reprises l’homme de 45 ans.

A force de voir son interlocuteur insister sur la question du djihad, James Cromitie finit même par lui répondre que mourir en martyr “ne changera rien du tout”. Dans l’une de leurs discussions, il ajoute également : “peut-être que ce n’est pas ma mission. Peut-être que ma mission n’est pas encore arrivée”.

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250.000 dollars contre un attentat. Pourtant, en 2009, Hussain finit par proposer 250.000 dollars à Cromitie pour que ce dernier mette en oeuvre un complot que l’informateur a organisé. L’objectif est simple : il faudra tirer des roquettes sur une base militaire de la région et placer des bombes dans une synagogue du Bronx.

Sur le coup, James Cromitie semble enthousiasmé par l’idée, topant même la main de Hussain en signe d’accord. Mais rapidement, il prend de la distance avec l’informateur, ne pouvant pas se résoudre à l’idée de mettre en oeuvre le complot. Il disparaît pendant six semaines et refuse de répondre à Hussain qui essaye pourtant de le joindre régulièrement.

Wikipédia contre le FBI

“Mon frère”. L’histoire se corse pour une raison simple : Cromitie n’arrive plus à joindre les deux bouts. Récemment viré par son employeur, il ne voit plus comment s’en sortir. Il finit par rappeler Hussain, lui dit qu’il est ruiné et qu’il a besoin d’argent. “Je te l’avais dit, je peux te faire gagner 250.000 dollars, mais tu ne les voulais pas, mon frère. Que veux-tu que je te dise ?”, lui répond alors l’informateur du FBI.

Dans la même discussion, Hussain ajoute qu’il commence à être inquiet pour sa propre sécurité et que Cromitie pourrait lui aussi se trouver en danger si l’attaque terroriste n’était finalement pas menée à terme. Ce dernier accepte enfin l’offre définitivement, mais précise qu’il veut que personne ne soit blessé pendant l’opération.

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Les pieds nickelés. Pour organiser le complot, Cromitie recrute alors trois autres hommes, à qui il promet de partager le butin. Le premier, David Williams, a un frère malade d’un cancer du foie qui a besoin d’une transplantation. Les deux autres, Onta Williams (sans lien avec David Williams) et Laguerre Payen, sont intéressés par l’argent.

L’équipé formée n’est pas pour autant efficace. Alors que l’informateur demande une douzaine de fois à Cromitie d’acheter un pistolet, ce dernier en est incapable. Au final, Hussain fait quasiment tout : il choisit les cibles, organise le complot et fournit les (fausses) armes. Il va jusqu’à emmener en voiture les futurs “terroristes” pour qu’ils prennent des photos de la base aérienne ciblée ou se familiarisent avec les armes qu’ils vont utiliser.

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© Micho

25 ans de prison. Fin mai 2009, tout est en place. Alors que les quatre hommes s’apprêtent à quitter la synagogue dans laquelle ils ont placé de fausses bombes pour se diriger vers la base aérienne, ils sont arrêtés par la police. Jugés pour conspiration, ils ont tenté de faire jouer la procédure dite “du piège”, selon laquelle on peut être blanchi si l’on prouve avoir été guidé dans la réalisation de l’acte.

La Cour fédéral de Manhattan ne l’a pas entendu de cette oreille et les a chacun condamné à 25 années de prison reconnaissant pourtant que “de vrais terroristes ne se serait sûrement pas embêtés avec une personne aussi stupide” que Cromitie.

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