Pourquoi le Danemark veut envoyer 300 détenus dans une prison du Kosovo

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Vincent Hervouet , modifié à
Le Danemark a signé lundi une déclaration d'intention avec le Kosovo pour y envoyer 300 détenus en prison, moyennant 15 millions d'euros annuels, afin de limiter la surpopulation carcérale. L'éditorialiste Vincent Hervouet souligne qu'il s'agit d'un signal clair donné aux ressortissants étrangers condamnés à l'expulsion du territoire danois.
EDITO

Une transaction inédite pour le royaume scandinave qui interroge. Le Danemark a signé lundi une déclaration d'intention avec le Kosovo, petit pays des Balkans, pour y envoyer 300 détenus en prison moyennant 15 millions d'euros annuels. Dans Europe Matin mardi, l'éditorialiste Vincent Hervouet est revenu sur ce fait de l'actualité en soulignant que les autorités danoises veulent limiter la surpopulation carcérale, mais aussi envoyer un signal clair aux futurs ressortissants étrangers condamnés à l'expulsion du territoire danois.

L'accord entre deux ministres de la Justice

Un ministre de la Justice en prison, c'est un événement. C'est rare qu'il y arrive avec les menottes. La plupart du temps, il vient d'être nommé au gouvernement. Il tient à se présenter au personnel pénitentiaire et ça fait de l'animation pour les détenus. Mais deux ministres de la Justice et tous les deux de gauche, qui visitent ensemble une prison faite pour les condamnés des deux pays. On n'avait jamais vu ça. Même le couple franco-allemand n'y a jamais songé. Et c'est pourtant ce qui va arriver mardi à Gjilian. C'est un bunker entouré de miradors à flanc de colline, à 50 kilomètres de Pristina, chef lieu du Kosovo. Le Danemark a signé lundi une lettre d'intention avec l'État croupion des Balkans pour y envoyer 300 détenus. Pas des Danois, des étrangers, qui iront y finir de purger leur peine.

Les mêmes conditions de détention qu'au Danemark

Il n'y a pas de plage au Kosovo pour accueillir les Scandinaves en vacances, mais le pays a des prisons et une très longue expérience de la délinquance. Il encaissera 210 millions d'euros en dix ans pour enfermer 300 détenus, qui seront détenus offshore dans les mêmes conditions qu'au Danemark, mais sans jamais y retourner puisqu'ils ont été condamnés à l'expulsion après avoir purgé leur peine. L'histoire ne dit pas comment les autorités du Kosovo s'y prendront pour obtenir de la Turquie, du Pakistan, de la Somalie, etc, qu'ils reprennent leurs ressortissants. Mais à vrai dire, c'est le cadet des soucis des Danois. Ce qu'ils veulent, c'est juste s'en débarrasser.

Appliquer sans complexe la double peine

Au début de l'année, il y avait 4.000 détenus. En 2025, il devrait y en avoir 5.000. Les sociaux démocrates débloquent donc 540 millions de dollars pour construire des prisons de haute sécurité pour les criminels endurcis. Pour l'instant, il y a 100% d'occupation. C'est le taux plein. On en rêve en France, où c'est le trop plein, avec des prisons surbookées et des dizaines de milliers de condamnés à de la prison ferme en attente d'incarcération. L'autre argument, c'est le manque de surveillants. Limiter le nombre des détenus allège la pression sur les gardiens. Et c'est vrai qu'il y a des problèmes de recrutement au Danemark.

Mais le royaume est surtout connu pour ses prisons ouvertes. Elles sont réservées à ceux qui purgent des peines de moins de cinq ans. Ils ont droit de porter leurs vêtements, de préparer leur repas, de recevoir des visites et il n'y a pas de clôture. C'est le modèle que les Scandinaves aiment mettre en avant. Il ne concerne pas les longues peines, les récidivistes, les terroristes, les détenus dangereux, ceux qui ont des problèmes psychiatriques. Pour cela, il faut de la place et donc envoyer au diable les étrangers expulsables.

Un signal clair aux ressortissants

En fait, la vraie raison de la délocalisation au Kosovo a été donnée par le ministre danois de la Justice. C'est un signal clair aux ressortissants des pays tiers condamnés à l'expulsion. "Votre avenir n'est pas au Danemark et vous ne devez donc pas y purger votre peine". Il s'agit bien finalement d'appliquer sans complexe la double peine, d'expulser les indésirables, de sous-traiter le problème de réadmission et, in fine, de protéger le modèle danois qui est réservé aux Danois et aux étrangers qui se sont intégrés. L'accord entre les deux gouvernements de gauche doit encore être soumis aux deux parlements.