Pourquoi la Chine ne veut pas sanctionner la Corée du Nord ?

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François Clémenceau, chef du service international du Journal du Dimanche
Depuis le test nucléaire des nord-coréens dimanche, Pékin refuse ouvertement de rejoindre les Occidentaux dans leur volonté de punir la Corée du Nord. 
EDITO

La Chine ne veut pas et ne peut pas punir la Corée du Nord. Et c’est d’autant plus vrai que dans un régime tel que la Chine communiste, pouvoir et vouloir généralement vont de pair. On a vu au printemps dernier que la Chine était non seulement capable de s’associer aux résolutions du Conseil de sécurité qui condamnent la Corée du Nord mais qu’elle pouvait même prendre des sanctions économiques contre son voisin, notamment en gelant ses importations de charbon. Mais là, alors que les choses sont encore plus graves avec l’essai d’un missile intercontinental et un test de bombe H, la Chine recule. Elle en appelle au dialogue.

Faire pression sur les Américains. La Chine est gênée par les provocations du régime de Kim Jong-un parce qu’il s’agit autant d’un pied-de-nez gravissime aux capitales occidentales qu’à Pékin. Mais elle peut aussi s’en servir comme d’une monnaie d’échange avec les Américains. C’est ce que les diplomates appellent "freeze and freeze".

La Chine obtiendrait ainsi le gel du programme nucléaire nord-coréen en échange du gel des activités militaires américaines en Corée du Sud, y compris le gel d’une installation des batteries de missile anti-missile que la Chine perçoit comme menaçant à son encontre. On le voit, la Chine ne veut pas d’une déstabilisation de la Corée du Nord qui finirait par une réunification des deux Corées, elle s’en sert donc, avec beaucoup de cynisme, comme d’un Etat tampon.

La Corée du Nord poursuit impunément sa course au nucléaire. En attendant, tandis que les Nord-Coréens continuent de courir après la bombe, rien ne marche, ni la menace américaine, ni l’appel au dialogue chinois. C’est ce qui fait dire à beaucoup d’experts qu’à défaut d’une frappe et d’un risque de guerre, il n’y a plus désormais qu’une option : obtenir une négociation, non plus sur le démantèlement total du programme nucléaire et balistique nord-coréen mais sur l’accès de la Corée du Nord au seuil de la puissance nucléaire. Un peu comme avec l’Iran.

Mais vu que l’Amérique de Donald Trump déteste tout autant l’accord sur le nucléaire iranien que le chantage de la Chine pour éloigner l’Amérique de sa zone d’influence, tout cela risque de continuer crescendo. Les experts évoquent même un nouvel essai de missile intercontinental pour le week-end du 9 septembre.