Attentats de Bruxelles : Mohamed Abrini est-il passé trop vite aux aveux ?

© OFF / AFP
  • Copié
M.D avec AFP , modifié à
Arrêté vendredi dernier à Bruxelles, il a reconnu être "l’homme au chapeau". Mais ses déclarations sont à prendre avec précaution, selon les experts.

Mohamed Abrini avoue-t-il trop facilement ? L’homme soupçonné d'être le logisticien des attaques de Paris du 13 novembre, inculpé depuis samedi pour "assassinats terroristes" en Belgique, a avoué être le troisième homme des attentats du 22 mars à l'aéroport de Bruxelles, le fameux "homme au chapeau". Le terroriste présumé scelle ainsi les liens étroits entre les deux tueries. Mais faut-il croire tout ce que raconte le suspect aux enquêteurs ? "Prudence", répondent certains experts.

Dès ce week-end les autorités belges se sont réjouies de l’avancée rapide de l’enquête, grâce, notamment aux informations données par "l’homme au chapeau", Mohamed Abrini. "C'est un pas en avant important", a déclaré, à l’AFP, une source proche de l'enquête.

" "Cela ne correspond pas au mode opératoire de l'EI" "

"Il a été confronté aux résultats de diverses expertises et a reconnu sa présence lors des faits", a expliqué samedi le parquet. Selon les premiers éléments de l’enquête, Mohamed Abrini a raconté aux enquêteurs avoir jeté sa veste dans une poubelle, puis "revendu" son couvre-chef. Un point que certains jugent peu plausible.

"Je ne peux pas imaginer que quelqu'un avec une telle fonction au sein de l'organisation Etat islamique (EI) va d'un coup déclarer 'cela s'est passé comme ça' et expliquer qu'il a vendu son chapeau, je n'y crois pas une minute'", a expliqué l'analyste Pieter Van Ostayene, cité par l'agence de presse Belga.

Pour lui, "cela ne correspond pas au mode opératoire de l'EI, et je les suis depuis des années. Cette rhétorique ne s'inscrit pas dans l'ensemble", estime ce spécialiste,  qui pense qu’il s’agit d'une couverture destinée à protéger le reste du réseau.

  • Les trois consignes de Daech à ses hommes

Pour Mathieu Guidère, spécialiste de géopolitique et de terrorisme islamiste, il existe des consignes bien précises en termes de communication pour les membres de Daech. L’organisation terroriste demande à ses hommes de "collaborer avec la police en occupant les services de sécurité le plus longtemps possible pour laisser le temps à d'autres membres ou cellules d'agir ou de fuir", explique l'expert à Europe 1.

Par ailleurs, l’EI demande à ses hommes qui se font arrêter de "maintenir l'attention des médias le plus longtemps possible pour susciter de nouvelles vocations", poursuit le spécialiste. En d’autres termes, plus on parle de Daech, plus on lui fait de publicité, notamment auprès des jeunes en recherche de repères. Enfin, l’EI recommande à ses hommes d’"user de la dissimulation (la takiyya) pour ne pas révéler les vrais plans de l'organisation", souligne Mathieu Guidère.

Cette pratique a notamment été observée lors des interrogatoires de Salah Abdeslam. Ce dernier, interrogé au sujet d’Abdelhamid Abaaoud, l’instigateur présumé des attaques terroristes de novembre, a affirmé ne l’avoir vu qu’une seule fois, alors que les deux hommes se connaissent depuis l’enfance.

  • La France devait à nouveau être visée

Mais toutes les déclarations, qu’elles soient fausses ou non, sont prises très au sérieux par les enquêteurs. Il ne faut prendre aucun risque. Selon les interrogatoires qui ont été menés, on sait, par exemple, que la cellule djihadiste de Bruxelles avait l'intention de frapper à nouveau Paris. Mais comme les hommes se sentaient traqués, ils ont décidé précipitamment de viser plutôt la capitale belge.

Trois autres hommes ont été arrêtés le même jour que Mohamed Abrini. Le premier, Osama Krayem (dont l'identité complète n'est pas confirmée par le parquet), un Suédois de 23 ans qui s'est rendu en Syrie, a été identifié comme le deuxième homme du métro bruxellois, filmé avec Khalid El Bakraoui quelques minutes avant que celui-ci ne se fasse exploser à la station Maelbeek.

Il est aussi soupçonné d'avoir acheté les sacs ayant contenu les explosifs de l'attaque de l'aérogare. Les enquêteurs soupçonnent Salah Abdeslam d'être allé le chercher, ainsi qu'un autre homme, à Ulm en Allemagne, le 3 octobre quand ils sont, très probablement, rentrés de Syrie.

Deux autres hommes, Hervé B. M., un Rwandais de 25 ans, et Bilal E. M., 27 ans, ont également été inculpés dans le volet belge pour avoir aidé Abrini et Krayem.

Interrogé par Europe 1, le père de Salah Abdeslam a pour sa part espéré "que tout le monde va parler", ajoutant que celui "qui a fait quelque chose, il doit payer".