Mali : l'armée "montre sa puissance"

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Charles Carrasco , modifié à
INTERVIEW E1.fr - L'armée française envoie un message aux islamistes, selon Jean-Marie Charon.

• Les images. Pour l'instant, aucune image des combats aériens n'était parvenue aux médias français. Mais dans une courte vidéo (1'15") fournie jeudi soir par l'Etablissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD), on voit pour la première fois deux bombardements des avions français, filmés par les caméras infrarouges des appareils. La première cible est un camion lance-roquettes BM 21 volé par les islamistes à l'armée malienne. La seconde partie de la vidéo montre des frappes des hélicoptères Tigre sur deux pick-up des djihadistes. L'armée n'a pas précisé le lieu et la date de ces frappes.  

>> Europe1.fr a décrypté ces images avec Jean-Marie Charon*, sociologue, spécialiste des médias.

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© Max PPP

Pourquoi montrer ces images ? Cela correspond à une vieille obsession de l'armée française : avoir le moins de journalistes possible sur le front car lors de la guerre de 1870, un journaliste avait indiqué où se trouvait l'armée et cela avait eu des conséquences… Au début de la Première guerre mondiale, il n'y avait pas non plus de journalistes, jusqu'en 1917 dans les tranchées. L'armée française a toujours voulu que les journalistes restent à l'écart afin de protéger notre stratégie, nos troupes et l'information.

La deuxième problématique est propagandiste. L'armée veut faire la promotion de certains faits de guerre "à l'arrière", car la population ne voit pas ce qui se passe sur le front. La troisième raison, sans doute la principale, est de communiquer à l'adversaire et de montrer la puissance des frappes aux islamistes.

• Pourquoi avoir choisi ces frappes en particulier ? Comme les images de la guerre du Golfe (1990-1991) ou celle d'Irak (2003), ces images ne montrent pas grand-chose. On ne connaît pas les lieux, ni les dates. Les seuls à pouvoir identifier ces frappes sont les militaires eux-mêmes, et les djihaditses. Ces deux attaques sont deux "épiphénomènes" dans l'opération Serval. L'armée française veut donner une image de précision en évitant les populations et d'efficacité. Une guerre plus "fine", capable de déloger les islamistes même derrière un mur.

• Pourquoi maintenant ? Cela correspond peut-être à un moment où il y a une montée des critiques de certains parlementaires en France qui craignent une dispersion de l'adversaire. Mais la diffusion de ces images intervient surtout au moment où l'on assiste à un début de scission des mouvements islamistes (Ansar Dine s'est scindé en deux groupes dont l'un appelle à une "solution pacifiste", ndlr). Certains djihadistes commencent à avoir envie de discuter. Avec cette vidéo, l'armée française leur dit : 'vous avez raison de vouloir discuter car nous avons les moyens de vous faire mal'".  

* Jean-Marie Charon et Arnaud Mercier, Armes de communication massive : Informations de guerre en Irak : 1991-2003, CNRS Editions.