"Le Loup de Wall Street" éclaboussé par un scandale financier

© BEN STANSALL / AFP
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Le film aurait été financé par de l’argent détourné provenant d’un fonds public géré par le Premier ministre malaisien.

C’est une histoire, compliquée, digne d’un scénario hollywoodien. Les autorités américaines affirment que le film Le loup de Wall Street, sorti en 2013 et qui raconte la vie débridée et exubérante d’un trader de Wall Street qui arnaquait ses clients, joué par Leonardo DiCaprio, a été financé par un détournement de fonds publics malaisiens. L’arbre qui cache la forêt : au total plus de 3 milliards de dollars (2,5 milliards d’euros) auraient été détournés. Explications.

De quel argent s’agit-il ? Selon l’enquête menée par les autorités américaines, Le loup de Wall Street - qui a généré 392 millions de dollars de recettes - aurait bénéficié d’un financement de 100 millions de dollars (90 millions d’euros) siphonnés illégalement, via des montages complexes dans les paradis fiscaux. L’argent proviendrait, en fait, d’un fonds public, le 1Malaysia Development Berhad (1MDB), créé en 2009 et dont le Premier ministre malaisien Najib Razak est le président consultatif.

Mais le détournement est bien plus important que les 100 millions déboursés pour le film. Selon une plainte des autorités américaines, des proches du pouvoir malaisien voire des responsables gouvernementaux, ont au total siphonné trois milliards de dollars, via un complexe réseau de sociétés-écrans, afin de mener grand train.

A quoi a servi cet argent ? On sait que 100 millions de dollars ont été utilisés pour financer le film de Martin Scorsese. Le long-métrage a été produit par le studio de cinéma hollywoodien Red Granite, fondé en 2010 par Riza Aziz, le beau-fils du Premier ministre malaisien.

Ce dernier aurait perçu 237 millions d’euros du détournement du fonds public, qu’il aurait ensuite placés sur un compte suisse ouvert au nom d'une société immatriculée dans les Iles Vierges britanniques. Riza Aziz aurait ensuite utilisé l’argent pour acheter de luxueuses propriétés et fonder son studio de cinéma.

Toujours selon les autorités américaines, les responsables malaisiens ayant détourné l’argent, l’auraient utilisé ensuite pour faire diverses acquisitions comme des propriétés de luxe à Beverly Hills, en Californie, ou à New York, un jet privé Bombardier, une toile de Vincent Van Gogh et une autre de Claude Monet achetée pour 35 millions de dollars.

Les personnes soupçonnées auraient également pris une participation, à hauteur de 106 millions de dollars dans la major musicale EMI, leur permettant de percevoir des revenus dès qu'un titre du catalogue est joué ou diffusé "publiquement", selon le ministère.

Qui a été floué ? Cet argent devait servir pour développer des projets destinés à l’ensemble de la population. Mais "la population malaisienne n'a pas perçu un centime des bénéfices réalisés par ce film. (...) Cet argent est allé dans les poches des parents et associés des responsables corrompus de 1MDB", a déclaré la ministre adjointe de la Justice américaine, Leslie Caldwell, en annonçant la saisie des futures recettes générées par le film.

Mercredi les autorités américaines ont donc lancé une offensive contre le fond malaisien pour récupérer un milliard de dollars d'actifs achetés avec l'argent détourné.

Que répondent les intéressés ? Pour le moment, seul le studio Red Granite a réagi. "A la connaissance de Red Granite, aucune partie du financement reçu il y a quatre ans était illégitime et il n'y a rien dans la plainte déposée aujourd'hui affirmant que Red Granite était au courant du contraire", a assuré le studio dans un communiqué, affirmant coopérer avec les autorités.

D’autres personnes et structures pourraient être éclaboussées par le scandale. Les enquêteurs cherchent notamment à déterminer si Goldman Sachs, qui a aidé 1MDB à lever des fonds, n'a pas omis d'avertir les autorités de transactions suspectes.  "Goldman Sachs et un nombre d'autres institutions ont été impliquées dans différents aspects de ces transactions. Nous continuons à enquêter et nous suivrons toutes les pistes", a assuré la ministre adjointe de la Justice américaine.

Le scandale a également des ramifications en Suisse où le gendarme des marchés a ordonné fin mai la dissolution de la banque BSI pour avoir exécuté de nombreuses transactions "opaques" pour le compte du fonds malaisien. Le fonds lui-même traverse de grandes difficultés financières. En 2014, il affichait une dette de 11 milliards et s'est déclaré, fin avril, en défaut de paiement après avoir échoué à rembourser 50 millions de dollars d'intérêts.