Financement du terrorisme : Daech à la tête d'une fortune considérable et inquiétante

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Didier François édité par C.O. , modifié à
ENQUÊTE EUROPE 1 - Le groupe État islamique posséderait un pactole de 3 milliards d'euros, selon les dernières estimations des services de renseignement. De quoi inquiéter terriblement les spécialistes de la lutte anti-terroriste.
L'ENQUÊTE DU 8H

Jamais une organisation terroriste n'a été à la tête d’un aussi gros magot. Le groupe Etat islamique posséderait 3 milliards d'euros, selon les dernières estimations des services de renseignement. Abou Bakr al-Baghdadi, le calife de l'EI, serait par exemple capable aujourd’hui de racheter Air France, car c’est à peu de choses près la valeur boursière de cette entreprise.

Cette bonne santé financière a de quoi inquiéter terriblement les spécialistes de la lutte anti-terroriste qui se réunissent mercredi et jeudi à Paris pour plancher sur le financement du terrorisme international et les façons de l'entraver. Car l'État islamique a bien les moyens de financer sa réorganisation et son passage dans la clandestinité malgré les défaites militaires majeures de l’année dernière en Irak et en Syrie qui l’ont privé de ses principales sources de revenus.

Le nord de l'Irak et de la Syrie exploité. Ce pactole a été amassé pendant trois ans. Le Califat a exploité tout le nord de l’Irak et de la Syrie, un territoire riche en pétrole - ce qui rapportait une centaine de millions de dollars par an - mais surtout un grenier agricole avec 40% de la production céréalières de l’Irak et 80% du coton syrien.

Une administration de racket. Tout cela a été ponctionné jusqu’au dernier grain de blé. L'EI avait mis en place une véritable administration de racket, avec un ministère de la Ghanima (butin en arabe). Il avait ainsi le pouvoir de confisquer leurs terres aux chrétiens, aux chiites, aux yazidis pour les louer en fermage à ses partisans. En trois ans, cela leur a permis de récolter plus d'un milliard et demi d’euros. Ce ministère distribuait ensuite aux djihadistes étrangers les voitures et les logements confisqués. Ainsi, l'épouse d’un des auteurs de l’attentat du Bataclan s’est vu offrir un appartement gratuit à Mossoul où elle ne payait ni l’eau, ni l’électricité, ni les impôts.

Amendes et dîme. Autre rentrée d'argent, la dîme prélevée par l'État islamique sur toutes les transactions locales : commerce, transport et même les actes de mariage ou de naissance. Avec les amendes distribuées par les tribunaux islamiques et la police des mœurs, la Hisba (pour des barbes trop courtes, des voiles pas assez couvrants ou pour avoir fumé dans la rue) cela permettait de faire tomber un autre milliard dans la cagnotte de l'État islamique.

Un argent réinvesti. Or, depuis trois ans, cet argent a été réinvesti par l'organisation terroriste à travers des prête-noms dans des affaires parfaitement légales comme le rachat de fermes piscicoles qui élèves des carpes en Irak, comme le révélait mardi Le MondeLes services occidentaux ont également repéré des investissements au Proche Orient ou en Turquie dans des bureaux de change qui sont ensuite utilisés pour envoyer de l’argent à des clandestins grâce à des systèmes de cartes prépayées ou de portefeuilles électroniques ou via tous les nouveaux services financiers qui permettent de transférer anonymement des fonds sur Internet. De quoi compliquer singulièrement le travail des enquêteurs.