Terrorisme : le Canada s'interroge sur sa sécurité

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LE CHOC - Au-delà du drame, avec la fusillade d'Ottawa, la société canadienne découvre que le risque terroriste existe à l'intérieur de ses frontières. Et s'interroge sur sa sécurité.

La question. Comment un homme armé a-t-il pu entrer dans le Parlement canadien ? C’est la question qui se pose après la fusillade d’Ottawa, mercredi, qui s’est terminée dans les couloirs de l’assemblée. Les forces de sécurité ont abattu le tireur qui a eu le temps de blesser un homme et de tuer un militaire.

Des médias locaux s’interrogent sur le fait que le suspect, Michael Zehaf-Bibeau, est parvenu à s’introduire dans ce bâtiment officiel, où se trouvait le Premier ministre Stephen Harper. La raison est plutôt simple : la porte était ouverte.

Pour pénétrer dans le bâtiment principal, le Centre Block où se trouvent les deux chambres du parlement et les bureaux du Premier ministre, il suffit de pousser la porte d’entrée. De l’autre côté se trouvent bien des gardes, mais il n’y a pas de portiques de sécurité ou de barrière pour empêcher les intrus d’aller plus loin.

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Les mesures de sécurité. Les visiteurs autorisés, comme les attachés parlementaires ou les journalistes, peuvent donc y rentrer sans autre forme de procès. Les autres sont censés passer une porte équipée d’un détecteur de métaux. Des mesures de précaution jugées "légères" par le National Post (en anglais), qui estime "qu'il est aussi facile de pénétrer dans le Parlement que de rentrer au cinéma sans ticket".

Parliament Hill est "un symbole du pays et on aurait été en droit de s’attendre à ce que ce soit l’une des cibles les plus difficiles à atteindre", estime David Harris, consultant en sécurité et ancien agent des services de renseignement canadiens. Richard Mc Mullen, président de l'association de la sécurité canadienne  se veut plus rassurant : " Ottawa est probablement l'une des villes les plus sûres du pays et de toute l'Amérique du Nord. Nous avons beaucoup de vidéo surveillance (200 en extérieur aux abords du Parlement à Ottawa), de contrôle des accès et d'autres éléments qui permettent de détecter les activités suspectes."

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Pourtant, certains, comme Jason Caisse, vice-président d'une entreprise de sécurité privée, critiquent cette confiance absolue dans le tout-vidéo. "La plupart des gardes de Parliament Hill et sur tout le Canada, ne sont pas armés", explique-t-il sur le site de la chaîne de télévision CHCH. Dernière critique relevée dans la presse canadienne, cet article du Globe and Mail (en anglais) qui rappelle qu'un rapport de l'auditeur général canadien Michael Ferguson avait demandé dès 2012 que soit mis en place une force de sécurité indépendante pour protéger le bâtiment du Parlement et ses alentours.

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La difficulté de prévenir le risque terroriste. La peur de voir ce genre d'événements se reproduire grandit d'autant plus qu'une attaque terroriste avait déjà eu lieu trois jours auparavant. A Montréal, un homme qui s’était également radicalisé avait délibérément foncé sur deux soldats, et mortellement blessé l’un d’eux. Le gouvernement avait alors relevé la probabilité d'une attaque terroriste sur le Canada de "faible" à "moyenne".

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Quelles que soient les critiques sur le laxisme des mesures de sécurité appliquée dans le Parlement canadien, le problème de base demeure. "On peut le constater partout, aux Etats-Unis avec les fusillades, au Kenya lors de l'attaque du centre commercial, il est très difficile de stopper ces agresseurs déterminés", constate Jason Caisse.

L'expert en sécurité assure que les services de sécurité privés et les agents gouvernementaux canadiens savaient qu'une telle attaque pouvait se produire. Mais il estime qu'il fallait "un événement de cette ampleur" pour "forcer l'Etat à plus d'action et de prévention".

La nécessité de préserver la proximité entre le peuple et ses représentants. Dans un autre registre, le Toronto Star prend le contrepied de ces réflexions et tente d'apaiser le débat. Le quotidien anglophone prévient qu'il ne sert à rien de "surréagir", et rappelle que le Canada a toujours entretenu la culture de la proximité entre le peuple et ses représentants. Bien sûr que "la sécurité" aux abords de Parliament Hill "doit être réétudiée", mais "prudemment", tempère le quotidien. "Le Canada doit rester en phase avec ces valeurs démocratiques d'ouverture et ne pas établir de barrières entre le gouvernement et le peuple", conclut l'article.

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Le chef de la sécurité du bâtiment et "héros" de la fusillade d'Ottawa, Kevin Vickers, rappelait lui-même "la nécessité fondamentale" pour la démocratie canadienne que "les citoyens aient accès au Parlement qui est avant tout leur bâtiment". La chercheuse de l'institut pour la mémoire canadienne Anne Dance va dans le même sens, en ajoutant : "Quelles que soient les nouvelles mesures que le gouvernement prend, j'espère qu'elles seront appliquées dans le respect de notre 'style canadien' et que nous continuerons à privilégier l'accès public aux exigences sécuritaires".