L'Allemagne commémore la "Nuit de cristal" et craint un regain d'antisémitisme

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Les Allemands commémorent la "Nuit de cristal" en déposant des fleurs sur les "Stolpersteine", des milliers de plaques qui identifient les victimes. © JOHN MACDOUGALL / AFP
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avec FAP
Les 9 et 10 novembre 1938, durant la "Nuit de cristal", 1.400 synagogues ont été incendiées et 91 personnes ont été tuées. 

L'Allemagne commémore vendredi, 80 ans après, la "Nuit de cristal", ces pogroms, meurtres, arrestations et saccages annonciateurs de l'extermination des Juifs, dans un contexte de crainte d'un regain d'antisémitisme. De nombreuses manifestations sont organisées dans tout le pays à cette occasion, que commémorera Angela Merkel dans un discours dans une synagogue de Berlin, en présence du Conseil central des Juifs d'Allemagne.

De la discrimination à la persécution. Plus de 1.400 lieux de culte incendiés dans toute l'Allemagne, des magasins tenus par des Juifs saccagés et pillés, au moins 91 personnes tuées et des milliers déportées : pour les historiens, ce qui s'est passé en Allemagne et en Autriche les 9 et 10 novembre 1938 marque le passage de la discrimination des juifs à leur persécution puis leur extermination par les nazis.

Dans un contexte trouble. Cette commémoration, qui se télescope avec le centenaire de l'Armistice de la Première Guerre mondiale et de la fin de l'Empire allemand, intervient dans un contexte trouble en Allemagne. Il y a tout juste un an entrait au Bundestag une formation d'extrême droite, l'Alternative pour l'Allemagne (AfD). Et en août, la ville de Chemnitz était le théâtre de manifestations et violences xénophobes. "Aujourd'hui, nous voyons à nouveau la violence dans les rues", s'alarme Felix Klein, commissaire du gouvernement contre l'antisémitisme, qui s'inquiète de la "radicalisation des discours en Allemagne".

Les juifs allemands inquiets. De nombreux Allemands commémorent cette Nuit en polissant ou en déposant des fleurs sur les "Stolpersteine", des milliers de petites plaques de laiton incrustées entre les pavés pour identifier les victimes et leur adresse. En 2017, des plaques avaient été volées, alimentant la crainte d'une résurgence de l'antisémitisme, une réalité infamante pour un pays dont l'identité s'est bâtie sur la repentance pour l'Holocauste. Une forme d'antisémitisme nouvelle pour l'Allemagne fait en effet régulièrement les gros titres, celui prêté à de nombreux migrants arabo-musulmans qui ont afflué depuis 2015.

Mais l'essor de l'extrême droite allemande a aussi remis au premier plan un antisémitisme national. L'AfD a multiplié les polémiques liées au nazisme, jugeant en particulier que l'Allemagne devait cesser son repentir pour l'extermination des juifs. Des militants d'extrême droite voulaient manifester vendredi à Berlin mais le rassemblement a été interdit. L'inquiétude ne cesse donc de grandir au sein de la communauté juive allemande, forte d'environ 200.000 personnes.  Le nombre de crimes et délits à caractère antisémite est resté néanmoins stable dans les statistiques de police, avec environ 1.400 cas recensés chaque année depuis 2015. Plus de 90% des affaires sont attribuées à l'extrême droite.

 

En Autriche aussi. Le président autrichien a marqué jeudi par un appel contre l'intolérance le 80ème anniversaire de la "Nuit de cristal". Alexander Van der Bellen a lancé un avertissement lors d'une cérémonie sur le site de l'ancienne synagogue de Leopoldstadt, qui était le plus grand lieu de culte juif de Vienne avant d'être détruite au cours de deux journées de violences antisémites. "Nous devons regarder l'histoire comme un exemple qui montre jusqu'où peuvent mener les politiques du bouc émissaire, de l'incitation à la haine et de l'exclusion", a déclaré Alexander Van der Bellen. "Soyons vigilants pour que les dégradations, les persécutions et les suppressions de droits ne puissent jamais se répéter dans notre pays ou en Europe", a-t-il poursuivi. 

Le chef de l'Etat autrichien, un ancien responsable du parti des Verts, a critiqué à plusieurs reprises la ligne dure sur l'immigration adoptée par le gouvernement constitué l'année dernière à Vienne par le Parti populaire autrichien (OeVP) de centre-droit et le Parti autrichien de la liberté (FPOe) d'extrême droite.