Polémique autour de la livraison d'un Mistral à la Russie

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IMBROGLIO - La Russie affirme que la France lui livrera bien un navire Mistral malgré la situation ukrainienne et le viol du couvre-feu. Mais pour Michel Sapin, "aujourd'hui les conditions ne sont pas réunies"

L'info.  Voilà une annonce qui devrait mettre l'Elysée dans l'embarras. Le vice-Premier ministre russe Dmitry Rogozine, chargé du complexe militaro-industriel russe, a annoncé mercredi que la France doit livrer le 14 novembre à la Russie un premier porte-hélicoptère Mistral. La société "Rosoboronexport, chargée de l'exportation des armes russes, a reçu une invitation pour le 14 novembre à Saint-Nazaire où se trouvent 360 marins russes pour la remise à la Russie du premier navire 'Vladivostok' et la mise à l'eau du second", a-t-il déclaré aux médias russes. De son côté, DCNS, le constructeur français du navire dont l'Etat est actionnaire majoritaire, dément l'information.

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Dmitry Rogozine tweete la lettre envoyée par DCNS

 

Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, avait indiqué mardi que le président François Hollande rendrait sa décision sur la livraison controversée du Mistral à la Russie "courant novembre". Une annonce attendue tant la vente de ces deux navires de guerre à la Russie, conclue en juin 2011 sous le mandat du président conservateur Nicolas Sarkozy pour 1,2 milliard d'euros, a pris une tournure éminemment politique avec la crise ukrainienne.

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"Pas de Mistral sans cessez-le-feu". La France a été montrée du doigt, en particulier par les États-Unis, pour avoir l'intention de livrer un bateau de guerre à Moscou alors que les Occidentaux accusent Vladimir Poutine de jouer un rôle actif dans la crise en Ukraine. François Hollande avait indiqué le 16 octobre qu'il conditionnait la livraison des bâtiments à la Russie à une application intégrale du plan de paix en Ukraine et à un cessez-le-feu entre l'armée ukrainienne et les séparatistes prorusses "entièrement respecté". Jeudi matin, le ministre des Finances, Michel Sapin, a jugé sur RTL qu'"aujourd'hui les conditions ne sont pas réunies" pour une telle livraison.

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"Cela parait très compliqué de livrer aujourd’hui des armes à la Russie". Pierre Lellouche, député UMP de Paris et ancien secrétaire d’Etat aux affaires européennes, a assuré à Europe 1 qu’il soutient la position française dans ce dossier : "cela parait très compliqué de livrer aujourd’hui des armes à la Russie tant qu’il n’y a pas d’accord politique sur le devenir de l’Ukraine. Aller livrer des armes alors même que la crise n’est pas réglée serait un signal tragique pour beaucoup d’autres pays anciennement dominés par la Russie"

André Chassaigne, président du groupe Front de gauche, a en revanche un avis opposé : "dès le début, j’ai considéré qu’une décision expéditive en disant ‘on ne livre pas les Mistral’ était une erreur. Soyons attentifs à ne pas mettre en danger le nombre d’emplois qu’il peut y avoir avec la fabrication de ces Mistral et à ne pas déséquilibrer des accords commerciaux que l’on pourrait avoir avec d’autres pays à l’avenir", a-t-il estimé jeudi matin sur Europe 1. Le vice-président du Front National Florian Philippot a lui aussi jugé "pas très responsable" une éventuelle non-livraison à la Russie des navires Mistral, au nom du "pragmatisme" et de la "crédibilité" de la France qui agit "aux ordres des Américains" selon lui.

Plus de 3.700 morts depuis avril. Ce cessez-le-feu est violé quasiment chaque jour par les protagonistes du conflit. Le chef de l'État français avait précédemment indiqué, en septembre, qu'il rendrait sa décision "à la fin du mois d'octobre" en fonction de la situation en Ukraine, où les hostilités dans l'Est ont fait plus de 3.700 morts depuis avril selon l'ONU.

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Baptisé "Vladivostok", le premier des deux bateaux de guerre commandés par la Russie a effectué ces dernières semaines des essais en mer au large de Saint-Nazaire. L'annonce de sa livraison pour le 14 novembre met donc l'Elysée dans l'embarras.