La répression est de retour à Tunis

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Solène Cordier avec agences , modifié à
Des manifestations ont été violemment réprimées par les forces de police, lundi.

Descendus dans la rue pour commémorer la "Journée des martyrs" de 1938, plusieurs centaines de manifestants ont subi lundi les assauts de la police anti-émeute à Tunis. Europe1.fr fait le point sur la situation :

Pourquoi les Tunisois manifestaient-ils ?

Répondant aux appels lancés sur les réseaux sociaux, quelque 2.000 personnes se sont rassemblées lundi pour commémorer "la journée des martyrs". Le 9 avril 1938, les troupes françaises avaient réprimé dans le sang une manifestation dans le pays.

Les habitants de Tunis avaient choisi de célébrer cette journée sur l'avenue Habib Bourguiba, interdite aux manifestants depuis fin mars à la suite de heurts au cours de rassemblements. Ils réclament sa réouverture.

Qu'est-ce qui a déclenché les affrontements ?

Des slogans anti-Ennahda ont été lancés, certains manifestants accusant l'actuel parti islamiste au pouvoir de se comporter comme le clan familial honni de l'épouse de l'ex-président Ben Ali. "Dégage", scandaient les manifestants, en reprenant le slogan de la révolution.

Les forces de l'ordre ont répliqué en lançant des tirs nourris de lacrymogènes, ce qui a provoqué la dispersion des manifestants dans les rues avoisinantes. Certains se sont réfugiés dans les cafés de l'avenue, mais des groupes se sont rapidement reconstitués, notamment sur l'avenue Mohamed V, perpendiculaire à l'avenue Bourguiba.

Quels débordements ont été constatés ?

De nombreux témoignages évoquent la violence des policiers anti-émeute. Fumée de lacrymogènes, charges à moto ou en camion de policiers casqués et armés de matraques, manifestants interpellés brutalement, voire frappés… Des journalistes ont aussi été molestés, parmi eux la correspondante du Point en Tunisie a reçu des coups et son appareil photo a été cassé.

Un premier bilan de l'hôpital Charles Nicolle faisait état lundi dans la journée de 15 blessés soignés "pour des blessures dues à des coups ou des malaises dus aux gaz lacrymogènes".

Les réseaux sociaux se font l'écho de l'incrédulité des Tunisiens, qui n'avaient pas assisté à de telles scènes depuis plusieurs mois. Le mot-clé #9avril a été créé sur Twitter pour évoquer les événements de la journée.

Quelle est la réaction officielle du pouvoir ?

Le président tunisien a fait part de son indignation face à ces violences lors d'un entretien télévisé. "Un tel degré de violence est inacceptable", a déclaré sur la chaîne nationale Moncef Marzouki, mettant en cause aussi bien les manifestants qui ont bravé l'interdiction de défiler sur l'avenue Bourguiba que les policiers qui les ont brutalement dispersés.

Le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Khaled Tarrouche, a réitéré pour sa part l'interdiction de manifester sur l'avenue Bourguibatandis que le parti de gauche Ettakatol, allié d'Ennahda, a exigé une enquête sur la répression violente de la manifestation. "Nous avons demandé l'ouverture sans délai d'une enquête sur les abus et exigé l'identification des civils douteux qui ont participé à la répression des manifestants", a indiqué le porte-parole d'Ettakatol, Mohamed Bennour. Le parti "s'interroge sur la participation à ces actes de civils munis de gourdins".