Irak : pourquoi la bataille de Tikrit est cruciale

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Depuis lundi, les forces irakiennes tentent de reprendre cette ville stratégique et symbolique, tombée aux mains des djihadistes de l’EI en juin dernier.

Pas moins de 30.000 hommes mobilisés sur trois fronts et des combats qui devraient durer : l’offensive lancée lundi par l’armée irakienne sur la ville de Tikrit, aux mains de l’organisation Etat islamique depuis juin 2014 est présentée comme "la plus massive" depuis que le groupe djihadiste s’est emparé de pans entiers du territoire irakien. La bataille pour reprendre cette ville hautement symbolique s’annonce longue, mais elle est surtout cruciale. Europe1.fr vous explique pourquoi.

Parce que c’est le fief de Saddam Hussein. Dans l’esprit des Irakiens, Tikrit, située à 160 km au nord de Bagdad, est un symbole. C’est dans cette ville qu’est né Saladin, le guerrier de l’islam qui s’est emparé de Jérusalem en 1187. Tikrit est aussi le berceau de Saddam Hussein, l’ancien président irakien mort en 2006, qui n’hésitait d’ailleurs pas à se comparer à Saladin. Sous Saddam Hussein, la ville a été dotée de plusieurs bâtiments et palais présidentiels, dont le dernier et le plus important date de 1991. On y trouve aussi plusieurs bases militaires, les meilleurs hôpitaux, écoles et routes du pays, ainsi qu’une université. 

Parce que ce serait un "tremplin" pour une autre bataille. Au-delà du symbole, Tikrit a une vraie valeur stratégique. Car pour Bagdad, prendre Tikrit représenterait "un tremplin sur le chemin de la libération de Mossoul", la deuxième ville du pays, tombée aux mains des djihadistes en juin dernier. Tikrit, située à "trois heures de route de Mossoul" représenterait "une importante base logistique" pour la future bataille de Mossoul, écrit le magazine américain Time. L’impact de la bataille de Tikrit serait aussi psychologique, note le Dr Hisham al-Hashimi, conseiller du gouvernement irakien sur le groupe EI, dans The Guardian. Une victoire à Tikrit permettrait en effet aux forces irakiennes de retrouver un peu de confiance après leur retrait embarrassant face à l’Etat islamique en juin dernier. 

La bataille de Tikrit, en Irak - 1280-640

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Parce que c’est un test pour les forces irakiennes. Mais si les forces irakiennes remportent la victoire à Tikrit, leur comportement aura aussi valeur de test. "La façon dont ils vont traiter la population locale pourrait être très importante pour savoir s’ils auront leur soutien ou non", explique sur la radio américaine NPR Vali Nasr, de l’Université Johns Hopkins. Car avant la bataille, certains chefs et combattants ont décrit l’opération comme une occasion de se venger du "massacre" commis au camp militaire de Speicher en 2014, quand l’EI avait tué des centaines de recrues, pour la plupart chiites. Avec, selon certains, la complicité de tribus sunnites. Mercredi, des ONG de défense des droits de l’Homme se sont dites inquiètes pour les civils sunnites, qui pourraient être la cible de violences et creuser encore le fossé entre chiites et sunnites dans le pays.

Parce que l’Iran est sur le terrain. Dans cette bataille, les Etats-Unis ont confirmé la participation de l’Iran sur le terrain. Il s’agit même de l’implication iranienne "la plus manifeste" dans le pays depuis 2004, "avec de l’artillerie et d’autres moyens", selon le général Martin Dempsey, chef d’état-major inter-armées américain. D’après l’agence iranienne Fars, Qassem Suleimani, chef des unités d’élite iraniennes Qods, serait même présent sur le terrain. A en croire le général Dempsey, le rôle de l’Iran pourrait être "positif" dans la bataille de Tikrit. A condition, insiste-t-il, que la situation ne dégénère pas en tensions interconfessionnelles avec les sunnites.

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