Henri GUIRCHOUNAutour du monde

Guerre contre l'Etat islamique : vers un front commun en Syrie ?

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Henri GUIRCHOUN , modifié à
Longue et intense semaine pour François Hollande qui doit tâcher d'établir une coalition élargie contre Daech en rencontrant ses homologues étrangers.

C’est une semaine marathon pour François Hollande. Après David Cameron ce matin, il rencontrera Barack Obama demain à Washington, puis Angela Merkel mercredi à Paris, Vladimir Poutine jeudi à Moscou, et le président chinois Xi Jin Ping qu’il recevra à l’Elysée dimanche. Avec au menu l’idée d’établir une coalition élargie contre Daech, sans oublier les derniers préparatifs de la Cop 21…

Oui, la France se retrouve de facto au centre de la scène internationale puisqu’elle est à la fois, victime du terrorisme, actrice de la guerre en Syrie où elle va intensifier ses frappes avec le Charles de Gaulle, et organisatrice de la Cop 21 qui s’ouvre la semaine prochaine.

C’est ce qui a conduit le président Hollande à se lancer dans une offensive majeure et presque tous azimuts. Avec un triple objectif : réveiller l’Europe pour tenter de la sortir de ses divisions, de son incohérence et de sa paralysie face au drame syrien. Convaincre l’Amérique, la Russie et leurs alliés respectifs, d’oublier leurs intérêts particuliers pour unir enfin leurs forces contre Daech. Et tout cela sans négliger l’enjeu fondamental de la Cop 21 où il faut convaincre dans la dernière ligne droite, certains pays récalcitrants qui viennent à Paris en traînant les pieds. Alors ça fait beaucoup, et peut-être même trop, même s’il est évident que c’est le moment ou jamais…

Au-delà des mots et de l’élan de solidarité après les attentats de Paris, est-ce qu’on peut espérer voir l’Europe faire réellement front commun face au terrorisme et à la guerre en Syrie ?

La question des réfugiés avait déjà fait surgir le drame syrien au cœur de l’Europe. Et après les attentats de Paris, ce qui se passe actuellement à Bruxelles n’est pas seulement une menace contre la Belgique mais aussi contre le centre névralgique de l’Europe. Normalement, ça devrait suffire à provoquer un choc salutaire dans l’Union, pourtant rien n’est moins sûr.

On a compris ce matin que si David Cameron est personnellement favorable à des frappes britanniques en Syrie, il lui reste à surmonter les réticences de son parlement. Ce qui n’est pas encore fait, même si l’état d’esprit a évolué en Grande-Bretagne. L’Italie parle d’un soutien politique à la France, ce qui est le service minimum.

Quant à l’Allemagne où l’idée de participer à une guerre reste toujours aussi sensible, ce sont plutôt des mesures de solidarité qui sont sur la table. Solidarité financière, d’abord, sur les dépenses et sur le déficit budgétaire de la France. Mais aussi solidarité sur le terrain, avec peut-être une implication accrue de l’Allemagne, auprès des Kurdes d’Irak, ou au Mali, pour soulager l’armée française.      

Et concrètement, quel est l’objectif de la rencontre demain avec Barack Obama, et qu’est-ce que la France attend des Etats-Unis ?

Pour résumer, on peut dire que la France attend que l’Amérique change de logiciel et qu’elle s’engage réellement contre Daech en Syrie, c'est-à-dire avec tous les moyens dont elle dispose, et qu’elle peut partager  avec ses alliés, notamment en matière de renseignement opérationnel. Après les années d’aventurisme de George Bush, Obama voulait sortir du piège du Moyen-Orient. Cette idée s’inscrit dans une certaine cohérence, mais elle devient de moins en moins tenable, et l’opinion américaine commence à le comprendre…

L’autre temps fort de la semaine de François Hollande, c’est évidemment la rencontre avec Poutine. Est-ce qu’elle va permettre de lever les désaccords sur le dossier syrien ? 

La France ne fait plus du départ d’Assad une priorité ou un préalable, et la Russie admet désormais qu’elle a, elle aussi, été la cible du terrorisme islamiste avec l’attentat contre l’avion dans le Sinaï. Ça ouvre la voie d’un rapprochement, au moins pragmatique et réaliste, même si ça ne lève pas tous les obstacles. Poutine veut toujours obtenir des garanties sur l’avenir de la Syrie, il n’est pas prêt à renoncer aux bénéfices de son intervention, bénéfices militaires en faveur du régime de Damas, et bénéfices diplomatiques pour la Russie. Donc la possibilité d’une action commune existe sur le papier, mais la marge de manœuvre est assez étroite… 

Et finalement, est-ce que la grande coalition contre Daech que la France appelle de ses vœux a vraiment des chances de voir le jour ?

Honnêtement, à ce jour, elle a peu de chance d’aboutir. Elle pose d’énormes difficultés sur le plan politique où l’on voit mal les Américains se ranger derrière les Russes ou les Iraniens agir de concert avec les Saoudiens. Mais l’idée peut accélérer la recherche d’un cessez-le-feu. Et même si au bout du compte, cette coalition élargie ne restait qu’à un niveau informel, elle constituerait déjà une avancée. Et une mauvaise nouvelle pour Daech.