Garzon, un juge dans la tourmente

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Hélène Favier , modifié à
En Espagne, il est accusé d'abus de pouvoir pour une enquête sur les crimes franquistes.

Tempête politique en Espagne. Le pays est déchiré depuis qu’un juge du Tribunal suprême a décidé de poursuivre un de ses confrères, le juge Baltasar Garzon, pour avoir voulu enquêter sur les crimes amnistiés du franquisme.

Pour la première fois en Espagne, le juge Garzon a en effet enquêté sur les disparus de la guerre civile (1936-39) et de la répression franquiste sous la dictature (1939-75), en bravant une loi d'amnistie générale votée en 1977, deux ans après la mort du dictateur Franco.

La colère de l'extrême droite

Mais des organisations d'extrême droite, dont la Phalange, ont alors porté plainte contre lui pour "prévarication" (abus de pouvoir). En requalifiant en crimes contre l'humanité (donc imprescriptibles) ces affaires, Baltasar Garzon aurait outrepassé ses droits, selon eux.

Le fait qu'un magistrat (de gauche) du Tribunal suprême ait donné suite à cette plainte a ravivé jusqu'au paroxysme les vieux démons passionnels des "deux Espagnes".

L'affaire prend chaque jour un peu plus des allures d'empoignade nationale. Vent debout en défense du juge Garzon, les secteurs de la gauche vont jusqu'à accuser le Tribunal suprême de se faire "l'instrument d'expression du fascisme espagnol". La condamnation de Baltasar Garzon serait "une nouvelle victoire de Franco", a même lancé le cinéaste Pedro Almodovar.

Les soutiens français

En France aussi, l’affaire fait des remous. Une pétition de soutien à Garzon a été signée par plus de 500 universitaires français qui se déclarent "solidaires" du juge et "exigent que la justice espagnole abandonne (des) poursuites infondées".

Selon le texte de la pétition, initiée par Jean Ortiz, maître de conférences à l'université de Pau, "la destitution du juge Garzon hypothèquerait gravement le fonctionnement de la démocratie espagnole et de son système judiciaire".

100.000 fantômes

Plus de 100.000 républicains ont été fusillés par les franquistes et ils gisent toujours dans des fosses communes, privés d'une tombe décente.

"En pleine démocratie, plus de trente ans après la mort de Franco, c'est une honte incroyable que le sort de ces 100.000 disparus ne soit toujours pas réglé", estime l'historien irlandais spécialiste de l'Espagne Ian Gibson. "Cette blessure ne peut pas se refermer. Elle resurgit à la moindre occasion, comme aujourd'hui", analyse également le sociologue Fermin Bouza.