Espagne-Argentine : de l'eau dans le gaz

"La compagnie continuera à fonctionner comme une société anonyme, avec des directeurs professionnels", a déclaré Cristina Kirchner.
"La compagnie continuera à fonctionner comme une société anonyme, avec des directeurs professionnels", a déclaré Cristina Kirchner. © Reuters
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avec AFP , modifié à
La présidente argentine a annoncé l'expropriation partielle de la compagnie pétrolière YPF.

La crise couvait depuis quelques semaines mais elle a pris un tournant plus officiel mardi. La présidente argentine Cristina Kirchner a annoncé l'expropriation partielle de la compagnie pétrolière YPF, contrôlée par l'entreprise espagnole Repsol. "Le patrimoine d'YPF Société Anonyme est déclaré à hauteur de 51% sujet à expropriation", selon les termes de l'annonce lue en présence de Cristina Kirchner et de ses ministres et gouverneurs de province. Europe1.fr vous détaille les raisons de cette crise.

Que prévoit cette expropriation ? Ignorant la mise en garde de l'Espagne, Cristina Kirchner a annoncé l'envoi du projet de loi d'expropriation partielle. "Nous n'allons pas procéder à une nationalisation", a expliqué la présidente argentine. "Nous allons faire une récupération", a-t-elle ajouté, soulignant que "la compagnie continuera à fonctionner comme une société anonyme, avec des directeurs professionnels". Selon le texte publié par son gouvernement, sur le total "des actions de la compagnie YPF sujettes à expropriation", soit un peu plus de la moitié, "51% appartiendront à l'Etat et les 49% restant seront distribuées entre les provinces productrices". La prise de contrôle d'YPF se fera par le vote d'un projet de loi au Congrès argentin et le prix à payer aux actionnaires sera fixé par le Tribunal national d'évaluations.

Pourquoi l'Argentine agit ainsi ? Accusée de ne pas assez investir en Argentine, la compagnie pétrolière YPF, contrôlée à 57,4% par l'Espagnol Repsol, s'est vu retirer ces dernières semaines seize concessions pétrolières par une demi-douzaine de provinces argentines. Le gouvernement de gauche dirigée par Cristina Kirchner fait actuellement pression sur les compagnies pétrolières pour qu'elles augmentent leur production sur le territoire argentin. La raison ? La facture pétrolière du pays a bondi l'an dernier de 110%, pour atteindre 9,4 milliards de dollars.

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Comment réagit le groupe Repsol ? Le groupe pétrolier espagnol Repsol demandera une compensation via un arbitrage international, qui pourrait dépasser les 10 milliards de dollars. "Ces actes ne resteront pas impunis", a assuré Antonio Brufau mardi lors d'une conférence de presse. "Repsol lancera toutes les actions légales qui sont à sa portée", a déclaré le président de l'entreprise. "L'éventail est large", a-t-il souligné, citant de possibles actions au niveau constitutionnel, commercial ou encore civil. Il a également accusé la présidente Kirchner de "cacher la crise économique et sociale dont souffre actuellement l'Argentine". Le président de Repsol a dénoncé une campagne de "harcèlement", menée ces dernières semaines, "planifiée de manière calculée pour provoquer la chute de l'action d'YPF et faciliter l'expropriation à prix cassé".

Et le gouvernement espagnol ? De l'autre côté de l'Atlantique, la décision de Buenos Aires "rompt le climat d'amitié" entre l'Espagne et l'Argentine, affirme le chef de la diplomatie espagnole, José Manuel Garcia Margallo, après une réunion de crise avec le chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy. "C'est une décision hostile contre Repsol, donc contre une entreprise espagnole, donc contre l'Espagne", a affirmé le ministre de l'Industrie, José Manuel Soria. Madrid a promis des mesures "appropriées", "claires et fortes". Dès vendredi, la Commission européenne avait vendredi appelé l'Etat argentin à protéger les investissements étrangers.

Cette annonce a été reprise par l'ensemble de la presse espagnole mardi. Des journaux ont illustré leur Une avec des photos montrant la présidente argentine, Cristina Kirchner, devant un portrait d'Evita Peron, l'épouse du président Peron. "Spoliation consommée", titre même l'éditorialiste  du quotidien de centre-gauche, El Pais, avant de prédire que cette décision "aura de graves conséquences pour l'Argentine".

Quelles sont les conséquences économiques ? L'action Repsol a brutalement chuté mardi matin à la Bourse de Madrid, perdant plus de 8%, seulement cinq minutes après l'ouverture dans un marché en baisse de seulement 0,82%.  Lundi, alors que la présidente Kirchner faisait l'annonce officielle de l'expropriation, la Bourse de Buenos Aires avait suspendu les opérations sur les titres de la compagnie pétrolière.