Présidentielle en Ouganda : pour la première fois, un second tour ?

© Isaac Kasamani / AFP
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La légère baisse de popularité du président en place depuis 30 ans, laisse entrevoir l’espoir d’une alternance.

L’élection présidentielle de jeudi pourrait être historique pour l’Ouganda. Dans ce pays d’Afrique de l’est, aussi grand que le Royaume-Uni, les habitants pourraient vivre un événement inédit : voir l’élection déboucher sur un second tour.

Le même président depuis 30 ans. Jamais depuis son indépendance en 1962, l'Ouganda, pays enclavé de la région des Grands lacs, n'a connu d'alternance politique pacifique. Jamais, les 37 millions d'habitants n’ont connu de second tour à l’élection présidentielle. Car depuis 30 ans, le président Yoweri Museveni tient les rênes du pouvoir d’une main de fer. Quelque 15 millions d'électeurs devront choisir entre Yoweri Museveni, âgé de 71 ans et sept autres candidats.

" Si je perds l'élection, je quitterai le pouvoir. J'ai du travail qui m'attend à la maison, des vaches à garder "

En quête d'un cinquième mandat de cinq ans, le président ougandais est un homme autoritaire, vivement critiqué par les organisation de défense des droits de l'Homme mais qui n'en demeure pas moins un personnage charismatique. Le dirigeant, qui n'hésite pas à faire de l'humour en public, est reconnaissable à son éternel chapeau rond à large bords et ses tenues décontractées. "Si je perds l'élection, je quitterai le pouvoir. J'ai du travail qui m'attend à la maison, des vaches à garder", a récemment assuré le dirigeant. Face à lui, sept autres candidats. Parmi eux, deux favoris : l'opposant historique Kizza Besigye et l'ex-Premier ministre Amama Mbabazi.

Arrivé au pouvoir en 1986 - après avoir pris Kampala, la capitale du pays, et renversé l'autocrate Milton Obote - Museveni s’appuie sur la puissance financière et le savoir-faire électoral de son parti, le Mouvement de Résistance nationale (NRM).

Kizza Besigye, l’ami devenu adversaire. Malgré les craintes de violences, la campagne électorale a été plutôt calme. Le moment le plus tendu a eu lieu en début de semaine avec une brève arrestation de Kizza Besigye, qui faisait campagne à Kampala, et la dispersion musclée par la police de ses supporteurs, qui s'est soldée par la mort d'une personne. Ancien médecin personnel de Museveni à l'époque du maquis, plusieurs fois ministre, Kizza Besigye a rompu avec le régime à la fin des années 90. Il jouit d'une réelle popularité, notamment dans les villes, mais ne dispose pas de ressources comparables à celles de son ancien patient.

Amama Mbabazi, trop proche du pouvoir. L’autre favori de cette élection, Amama Mbabazi, se voit parfois reprocher sa proximité passée avec le pouvoir. Premier ministre entre 2011 et 2014, il est ensuite tombé en disgrâce et fut limogé sur fond de rivalité avec le chef de l'Etat au sein du NRM en vue de la présidentielle.

Mais face à Yoweri Museveni, l’opposition reste divisée. Malgré de longues tractations, les adversaires du président ont échoué à s'accorder sur une candidature unique. Ils espèrent tout de même pousser Museveni - auquel les sondages donnent une victoire au premier tour avec 51% des voix - à un second tour. L'issue de l'élection pourrait dépendre de la participation, qui a chuté de 72,6% en 1996, pour la première élection présidentielle directe, à 59,3% en 2011.

L’appui de la communauté internationale. Le président sortant dispose d’un atout de taille : la bienveillance de la communauté internationale. En s'imposant comme un acteur régional incontournable, à la faveur notamment de son engagement inébranlable dans la force de paix de l'Union africaine en Somalie (Amisom), Museveni a évité que la communauté internationale ne se mêle de trop près de sa gestion interne. Tacticien dans l'âme, autoritaire dans le sang, le président ougandais a su s'attirer la clémence de la communauté internationale pour avoir mis en place une armée disciplinée, lutté contre la pandémie du VIH et développé l'économie de son pays.

Revers de la médaille, l'Ouganda de Museveni est également marquée par une corruption endémique, une absence dans les faits de séparation des pouvoirs au profit de la présidence et des violations récurrentes des droits de l'Homme.