La Tunisie à été, fin 2010, le berceau du "Printemps arabe". 5:01
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Europe 1 , modifié à
Dix ans après, les revendications portées par le "Printemps arabe" sont-elles définitivement enterrées ?  Frédéric Encel, maître de conférences à Sciences Po, estime sur Europe 1 que les évènements de 2010-2011 finiront par se reproduire dans les États où un régime autoritaire s'est maintenu.
INTERVIEW

Il y a dix ans, le 17 décembre 2010, l'immolation de Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant tunisien, signait le début du "Printemps arabe". Ce geste a donné le coup d'envoi à une série de contestations populaires en Tunisie, en Jordanie, en Égypte, au Yémen, en Lybie, au Bahreïn, au Maroc et en Syrie, réclamant généralement le départ des dirigeants en place, mais aussi des réformes économiques et sociales. Une décennie plus tard, la transition semble au point mort dans nombre de ces pays, quand d'autres ont été marqués par de violentes crises : l'Egypte, après la brève accession au pouvoir des Frères musulmans, a laissé place à la dictature militaire d’Al-Sissi, la Libye reste divisée par les factions et la Syrie meurtrie par une guerre civile qui a fait plus de 380.000 morts.

"Le 'Printemps arabe' peut rester le grand événement du 21e siècle, parce que je pense que nous n'avons vécu que le premier soubresaut d'une véritable révolution", estime toutefois au micro d'Europe Midi Frédéric Encel, maître de conférences à Sciences Po et auteur de Géopolitique du Printemps arabe (PUF). "Que l'on mette en relief ce 'Printemps arabe' avec le Printemps des peuples européens de 1848. Bon, ça a été un feu de paille puisqu'il a été écrasé très rapidement. Mais les décennies qui ont suivies, en réalité, ont permis aux peuples européens, pour beaucoup d'entre eux en tout cas, d'accéder à de meilleures conditions sociales, économiques et politiques", souligne le spécialiste.

L'échec des aspirations démocratiques

"À l'exception de la Tunisie, d'où est parti ce 'Printemps arabe', l'échec est quasiment total partout", concède néanmoins Frédéric Encel. Il attribue cet atermoiement des revendications démocratiques à "la corruption institutionnalisée, au clanisme, au tribalisme, et à l'absence totale de sens de l'intérêt collectif de la part de certains dirigeants arabes."

Le risque d'une prochaine révolution

"Malheureusement, il y aura d'autres secousses", avertit Frédéric Encel. "Je dis 'malheureusement', parce qu'il risque d'y avoir des dégâts humains et matériels, mais on aboutira à quelque chose de nouveau qui ressemblera vraisemblablement à ce qui se passe aujourd'hui en Tunisie", veut-il croire. 

Pour autant, rien ne garantit qu'une nouvelle série de révolutions en Afrique du nord, au Levant ou dans le golfe persique aboutisse à la mise en place de régimes démocratiques. "La violence de l'autoritarisme d'un chef d'État ou de gouvernement sera en général proportionnelle à la violence exprimée par ceux qui vont le mettre dehors", poursuit notre géopolitologue. "Les régimes autoritaires créent une espèce de toxicité sociale et politique qui n'augure jamais rien de bon lorsqu'ils finissent par chuter au terme de leurs abus."