Aux Etats-Unis, des camps pour simuler la vie des pauvres

Certains voient dans ces ateliers une forme de tourisme malsain.
Certains voient dans ces ateliers une forme de tourisme malsain. © Jewel SAMAD / AFP
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Lancée par des associations pour mieux comprendre les problématiques des plus démunis, l'initiative vire au tourisme malsain.

L’intention de départ est plutôt louable : mieux comprendre les personnes démunies auxquelles ils ont affaire au quotidien, dans leur travail. Depuis quelques années, des ateliers de simulation de pauvreté se développent aux Etats-Unis.

L’objectif est de permettre à certains travailleurs sociaux, à des avocats ou n’importe qui d’autre de comprendre les difficultés auxquelles doivent faire face les plus pauvres. Erik Sherman, un journaliste américain pour le magazine américain Fortune, a enquêté sur ces nouvelles initiatives qui connaît déjà quelques dérives.

"La plupart s’étonnent de voir à quel point il est difficile d’être pauvre"

Dans le Colorado, le pasteur Jeff Cook est devenu expert en "poverty simulation camp", comprenez des camps de simulation de pauvreté. Il propose quatre formules différentes, dont une de simulation de camp de réfugiés pour la somme de 120 dollars (une centaine d’euros). Les participants ont le droit de dépenser 4 dollars pour des vêtements et feront l’expérience de la faim, du froid et du manque de sommeil.

La simulation du camp de réfugiés, elle, se déroule dans une ferme de 160 hectares où les participants sont harcelés et poursuivis par d’autres groupes. Ils doivent se débrouiller pour trouver de la nourriture et doivent remplir des formulaires de demande d’asile. "Je suis très surpris de voir à quel point les gens sont touchés par cette expérience", confie le pasteur au journaliste américain. "La plupart des participants s’étonnent de voir à quel point il est difficile d’être pauvre".

Erik Sherman raconte également l’histoire de Tiela Chalmers, une avocate qui, le temps d’une simulation, s’est retrouvée dans la peau d’une grand-mère obligée d’élever ses petits-enfants avec seulement 300 dollars (250 euros) par mois. Transformée par l’expérience, elle a décidé de monter des ateliers pour d’autres avocats.  

Un tourisme malsain

Mais le phénomène ne remporte pas l’adhésion de tous. Certains y voient une forme de tourisme malsain. Erik Sherman cite notamment le cas du  country club de Singapore, qui a organisé un week-end "simulation de pauvreté" pour ses membres. Un public très fortuné qui débourse, chaque année, 21.000 dollars (18.000 euros) pour adhérer au club.

L’an dernier, l’association Empathy Action a essuyé de vives critiques après avoir organisé un atelier pauvreté avec des étudiants de l’université de Clare, un établissement prestigieux faisant partie de l’université de Cambridge. Le programme annonçait un événement "amusant" dans les caves du campus "transformées en taudis". L’évènement promu sur Facebook avait récolté une salve de critiques d’internautes, choqués par "l’opportunisme des élèves qui ont voulu faire de la pauvreté un jeu".

Le cas de l’université de Clare n’est pas unique. En 2015, la banque fédérale de Cleveland a organisé un atelier de simulation de pauvreté… dans le très luxueux hôtel Omni William Penn Hotel de Pittsburg. Un autre atelier du genre, organisé cette fois par la Bank of America, doit se tenir fin juin à l’hôtel Riz-Carlton de Charlotte, en Caroline du Nord, souligne également Erik Sherman dans son enquête. La chambre standard coûte près de 300 dollars (260 euros) la nuit.