«Aujourd’hui, le calme me parait suspect» : l'offensive russe inquiète en Transnistrie

Transnistrie
Des hauteurs du Dniestr, au fond la capitale de la Transnistrie. © Marion Gauthier/Europe 1
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Marion Gauthier
Alors que l'Union européenne a ouvert la voie à l’examen des candidatures d'entrée de la Géorgie et de la Moldavie, l'enclave pro-russe de la Transnistrie, non reconnue par la communauté internationale, craint une expansion de l’offensive des troupes de Poutine. Notre envoyée spéciale Marion Gauthier s'est rendue à la frontière pour y rencontrer des habitants.
REPORTAGE

Le symbole est fort. Les 27 ont ouvert la voie à l’examen des candidatures de la Géorgie et de la Moldavie à l’entrée dans l’Union européenne. Les deux pays ont demandé une procédure accélérée, craignant une expansion de l’offensive russe. Notre envoyée spéciale Marion Gauthier s’est rendue à la frontière de la Transnistrie, cette enclave pro-russe en Moldavie, non reconnue par la communauté internationale. Là-bas, l’appréhension grandit à mesure que l’armée russe avance chez le voisin ukrainien. 

"C’est évident qu’on se sent en danger. Si la maison du voisin brûle, comment peux-tu te sentir bien ?", lance Siméon. Ses mains tremblotent, mais il est calme. Comme tous ceux de sa génération, il connait le bruit des balles et de la destruction. "Je m’y vois. J’imagine ce que je ferais, comment je procèderais, où je me cacherais. Aujourd’hui, tout le reste a disparu pour moi. Il n’y a plus que les réfugiés, et la guerre."

"Si une nouvelle guerre commence, on n’ira nulle part"

Justement Irina est arrivée ici hier. "Je ne suis pas une guerrière", dit-elle. Son souffle s’accélère alors qu’elle énumère les villes où avancent les Russes, pétrissant nerveusement le bras de son fils, mutique, à côté d’elle. "J'entends encore la sirène dans ma tête. Nous nous sommes cachés sous le canapé, sous les lits… J'ai passé 10 jours sans dormir, je restais assise, sans rien faire. J’ai de la haine", assure-t-elle. Elle se signe. La tablée baisse les yeux.

thumbnail_De dr à gauche Simeon Irina et Ivan son fils épouse de Siméon et un ami des deux vétérans de la guerre de 92 lui aussi

© Marion Gauthier/Europe 1

De droite à gauche Siméon, Irina et Ivan.

"Quand je me tourne vers la Roumanie, je me sens mieux. Mais quand je regarde vers la Transnistrie, j’ai des frissons. Aujourd’hui, le calme me parait suspect", reprend Siméon. "Même si une nouvelle guerre commence, on n’ira nulle part. On a enterré des villageois ici, on déjà vu toutes les atrocités possibles", surenchérit son épouse. Ils ne seront pas les prochains réfugiés. Quant à Irina et son fils, eux repartiront si des sirènes retentissent en Moldavie.

"Je lève ce verre pour la paix", lance Siméon avant les quelques mots de son épouse. "Je prie Dieu pour que toutes les femmes du globe ne pleurent plus que de joie, pour qu’elles n’aient plus de nuits sans sommeil."