Au procès d'Abou Hamza, plongée au cœur d’Al-Qaïda

Le procès d'Abou Hamza devrait se poursuivre jusqu'à fin mai.
Le procès d'Abou Hamza devrait se poursuivre jusqu'à fin mai. © REUTERS
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avec AFP , modifié à
DE L’INTÉRIEUR - Un terroriste "repenti" a décrit son expérience au cœur de la machine Al-Qaïda en 2001. 

En 2001, Al-Qaïda lui avait demandé de faire exploser un avion en plein vol, à l’aide d’une chaussure piégée. Le Britannique Saajid Badat, 35 ans, avait finalement renoncé à ce macabre projet. Mardi, ce "repenti" a témoigné au procès de son compatriote, le prêcheur radical Abou Hamza, jugé à New York depuis deux semaines, livrant une rare plongée dans le monde d’Al-Qaïda.

PME du terrorisme. C’est depuis le Royaume-Uni que Saajid Badat a témoigné, par vidéo. Le Britannique, qui a passé six ans et demi en prison dans son pays, s’est engagé en 2009 à collaborer avec les autorités avant d’être libéré, en 2010. Toujours inculpé aux Etats-Unis, il a refusé de venir témoigner en personne. Il faut dire que le trentenaire a frayé avec les plus hautes instances d’Al-Qaïda, dont le fonctionnement évoque celui d’une sorte de PME du terrorisme mondialisé. 

Saajid Badat en 2005

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Saajid Badat, originaire de Gloucester, explique comment il a peu à peu basculé dans le radicalisme, suivant des entraînements en Bosnie et au Royaume-Uni au sein d’un groupe de jeunes islamistes. C’est à la mosquée de Finsbury Park, qu’il aurait entendu, à deux reprises, des prêches de l’imam borgne Abou Hamza, accusé de complot et prise d’otages pour l’enlèvement de 16 touristes au Yémen en 1998, rapporte The Guardian.

Un rapport pour ses "patrons". A la mi-2001, Saajid se rend au Pakistan depuis l’Afghanistan. Sa mission : faire des recherches en ligne sur des cibles juives en Afrique du Sud, dont un musée de l’holocauste, des synagogues et le secteur du diamant. L’e-mail qu’il utilisait à l’époque en dit long sur son état d’esprit : sacrifice72@yahoo.com, le mot "sacrifice" témoignant de sa détermination à mourir pour le djihad et 72 faisant référence aux nombre de vierges promises à un "martyr" au paradis. Saajid Badat raconte avoir passé deux jours à préparer un rapport "détaillé" pour ses "patrons".

Mais Al-Qaïda lui demande ensuite de préparer une autre mission : faire exploser en vol un avion de ligne américain fin 2001, à l’aide d’une chaussure piégée. Saajid Badat, "honoré" et "fier", rencontre Oussama Ben Laden en personne. Nous sommes deux mois après les attentats du 11-Septembre et le chef d’Al-Qaïda lui raconte que "l’économie américaine est comme une chaîne" et qu’il suffit de "briser l’un de ses maillons" pour la faire tomber. Ben Laden lui conseille aussi, en cas d’hésitation avant d’effectuer sa "mission", de réciter un chapitre du coran, puis lui donne l’accolade et lui souhaite bonne chance.

ben laden 2012/05/22

Une chaussure piégée. Le Britannique rencontre aussi une autre figure d’Al-Qaïda, Khalid Cheikh Mohammed, accusé d’être le cerveau des attentats du 11-Septembre. L’homme lui parle du 11-Septembre et "sort un livre qui ressemble à un répertoire des immeubles les plus hauts du monde", avant d’y rayer les deux tours du World Trade Center. Il évoque aussi une cible prochaine au Royaume-Uni, le quartier d’affaires de Canary Wharf

Saajid Badat retourne ensuite du Pakistan en Angleterre, via la Turquie et les Pays-Bas, une chaussure piégée accrochée à son pied. Mais en décembre 2001, une discussion de dernière minute avec ses parents lui fait changer d’avis et il renonce à sa mission. Pendant deux ans, il conserve toutefois chez lui la chaussure piégée, jusqu’à son arrestation en 2003. 

Pendant l’audience de mardi, l’avocat d’Abou Hamza, Jeremy Schneider, a souligné que Saajid Badat avait reçu l’équivalent de 125.000 dollars du gouvernement britannique depuis qu’il avait accepté de témoigner contre ses anciens complices d’Al-Qaïda. Abou Hamza, inculpé aussi de soutien terroriste et accusé d’avoir envoyé des candidats au djihad s’entraîner en Afghanistan, risque la prison à vie. Il a plaidé non coupable et devrait être fixé sur son sort d’ici la fin du mois de mai.

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