Alep : six semaines après la fin du siège, la vie commence à reprendre dans le quartier Est

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À Alep-Est, la vie reprend peu à peu ses droits et les habitants reprennent le cours de leur vie © Jean-Sébastien Soldaïni / Europe 1
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Jean-Sébastien Soldaïni, envoyé spécial à Alep, édité par M.R. , modifié à
Le quartier est d'Alep est désormais aux mains de l'armée syrienne et les anciens habitants réinvestissent peu à peu leurs anciens lieux de vie, souvent détruits par les combats.
L'ENQUÊTE DU 8H

Les habitants commencent à revenir à Alep-Est, un mois et demi après l'évacuation des derniers civils et la fin du siège en décembre dernier. Mais le quartier est marqué par les combats qui y ont fait rage. Des stigmates qui n'empêchent pas les partisans de Bachar al-Assad de voir dans cette reconquête un message d'espoir.

Les traces de la guerre sont partout. Au détour d'une rue, on entre brutalement dans un monde sans couleur. Il n'y a plus que du gris, de la poussière sur le sol, des pierres qui s'entassent, des fils électriques enchevêtrés. Les murs encore debout sont criblés d'impacts de balles ou de trous d'obus. Les façades ont disparu, laissant apercevoir les restes d'une cuisine ou d'un salon. Au milieu de tout ça, Ahmed, un tailleur de 30 ans, se faufile dans ce dédale où règne un silence de plomb. Un peu hésitant, il finit par retrouver l'entrée de son hammam. 

"C'est la première fois que je viens ici depuis trois ans. Jusqu'à maintenant, je n'avais pas le courage de venir voir cet endroit qui était si luxueux, tout en bois. Je revois mon adolescence, lorsqu'on venait dans cette piscine, une ou deux fois par semaine pour prendre un bain ou passer une soirée entre amis. Lorsque je vois l'état de destruction… Ces bons moments ne sont que des souvenirs." 

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© Jean-Sébastien Soldaïni / Europe 1

Des conditions de vie sommaires. Malgré ces ruines, les anciens habitants reprennent progressivement possession des lieux. Mais les conditions de vie sont spartiates. Les appartements n'ont plus de vitres, plus de portes, soufflées par les bombardements. Le froid s'engouffre partout. Jihad y vit avec sa femme et leurs quatre enfants sans eau courante. Ils vivent tous regroupés autour d'un poêle, dans une pièce sans fenêtre, car le quartier n'a plus d'électricité.

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"Il y a deux pièces au rez-de-chaussée mais on ne vit que dans une seule, l'autre est trop froide, ce n'est absolument pas vivable. On a deux chambres à l’étage, mais c'est encore pire. Il n'y a plus de murs, ou bien ils sont troués par des obus. Ce serait dangereux d'y rester." La nuit, la température est proche de zéro. Difficile de dormir... D'autant plus que les démineurs poursuivent leur travail. En début de soirée, ils détruisent les mines laissées par les rebelles, ce qui ajoute encore un peu d'angoisse dans la pénombre. 

Une reconquête de la ville sur les "terroristes". Pour les habitants qui sont restés dans la ville, tous partisans de Bachar al-Assad, la reprise d’Alep par les forces du régime est considérée comme un tournant dans cette guerre. Pour ceux qui considèrent les rebelles comme des terroristes au même titre que Daech, la reprise d'Alep est une victoire marquante pour leur camp et un premier pas vers la fin du conflit. "Disons que c'est le début de la fin", explique Ahmed, le tailleur de 30 ans. "Tout le monde sait qu'Alep, c'est la capitale économique et industrielle de la Syrie. C'est le centre de gravité de notre pays. Pour ça, évidemment, c’est un grand pas d’avoir reconquis la ville."

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© Jean-Sébastien Soldaïni / Europe 1

"Il y a l'espoir de sortir de cette crise". Et cette volonté de se relancer se voit déjà quelques semaines après la fin du siège. Certains commerces ont rouvert et des habitants commencent à retaper leurs appartements. "Alep c’est central, c’est entre Daech et la ville d'Idlib où règnent ceux qui se surnomment les insurgés", analyse Majid, 45 ans. "En reprenant Alep, on a planté un drapeau en plein milieu. Maintenant on peut aller dans toutes les directions contre ceux qui sont contre nous. Cette victoire a renforcé à la fois l’armée syrienne et le peuple. Avec ça, il y a l’espoir de sortir de cette crise."

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