A la frontière avec le Canada, les immigrés de plus en plus nombreux : "bien sûr que j’ai peur"

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Xavier Yvon, envoyé spécial à la frontière américano-canadienne, édité par B.B , modifié à
Inquiets pour leur sécurité aux Etats-Unis, des immigrés vont chercher refuge au Canada.
REPORTAGE

C’est l’un des sujets qui domine aux Etats-Unis depuis l’élection de Donald Trump : le sort des immigrés. Car si le second décret anti-immigration de Donald Trump a, encore une fois, été invalidé par la justice, il y a un climat difficile qui s’est instauré pour les populations immigrées.

A tel point que certains décident même de fuir les Etats-Unis pour aller trouver refuge au Canada. Pour ça ils doivent passer la frontière illégalement, à pied. Europe 1 est allé à leur rencontre sur la frontière entre les Etats-Unis et le Canada, entre le nord de l’état de New York et le sud du Québec.

"Pas un jour sans un taxi, ou des gens à pied !" C’est une impasse devenue une porte de sortie. "Roxham Road" (photo ci-dessous), une petite route aux confins des Etats-Unis qui se termine par un fossé. François Doré est un riverain canadien qui vient se promener ici tous les jours. Une poussette désarticulée gît dans la neige. Il y des bouteilles abandonnées coincées dans la glace.

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Mélissa Bisha vit dans un préfabriqué à quelques mètres de la frontière, côté américain. Elle ne compte plus les taxis qui viennent déposer les candidats au passage : "Le matin, l’après-midi, la nuit, le soir, ça arrive à n’importe quelle heure. Depuis notre nouveau président, ça n’arrête pas d’augmenter. Pas un jour sans un taxi, ou des gens à pied !"

"Après trois années passées aux Etats-Unis, je ne peux plus rester ici". Deux silhouettes se profilent justement le long de la route. A mesure qu’ils approchent, on devine deux jeunes hommes qui trainent des valises. Ils viennent du Yémen, lâchent-ils, l’un des pays visés par les décrets de Donald Trump. "Je ne m’attendais pas à ce qu’il devienne président, mais maintenant je m’attends à ce qu’il m’expulse", raconte l’un des deux. A-t-il peur ? "Bien sûr, répond-il. Après trois années passées aux Etats-Unis, je ne peux plus rester ici".

De l’autre côté, les gardes-frontières canadiens les attendent. "Si vous traversez, on doit vous arrêter", préviennent-ils. Mais les deux Yéménites enjambent le fossé quand même. Ils savent qu'après 24 heures, ils pourront remplir leur demande d'asile.

"Je veux aller quelque part où je me sente en sécurité". Tous ne sont pas aussi bien informés. Moustapha, lui, a marché des heures par -15 degrés pour trouver la bonne route. Ce jeune syrien n’a qu’un petit sac à dos avec quelques vêtements et un tapis de prière. Moustapha a fui Damas et la guerre pour tenter sa chance à New York. Mais après trois ans à attendre un statut de réfugié, il a décidé, comme il dit, de changer de chemin : "Ces derniers temps, les choses sont devenues plus dures, vous savez, avec le président Trump. Ce pays, c’est trop triste à dire, mais il y a maintenant beaucoup de racisme et de discrimination. Je ne me sens plus à l’aise aux Etats-Unis, je ne me sens plus le bienvenu. Je veux aller quelque part où je me sente en sécurité, protégé, traité comme un être humain, au moins".

Le Canada, traditionnelle terre d’accueil. C’est ce qui motive cette famille turque qui sort d’un taxi : « ça va être bien le Canada, j’espère », dit un petit garçon tout sourire. Le taxi repart, laissant le père, la mère, et les trois enfants, face à des policiers canadiens un peu embarrassés, de l’autre côté du fossé. Le dialogue est poignant :

"Vous ne pouvez pas entrer ici…" 
"Nous n’avons pas choix…"
"Que voulez-vous au Canada ?"
"Nous pensons que le Canada est plus social…"

 

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"Merci". Discrètement, un policier leur fait finalement signe de traverser. "Merci", souffle le père. Une policière prend le bébé dans les bras. Une autre femme aide à porter la poussette et les gros sacs. Ronit Yarosky avait besoin de venir voir, dit-elle, ces réfugiés attirés par le Canada, comme ses grands-parents juifs avant eux fuyant l’Europe de l’Est.

Comme les deux Yéménites, comme Moustapha le Syrien, la famille turque part dans une voiture de la police, laissant derrière elle l’Amérique de Trump, une Amérique désormais menaçante pour les immigrants.

>> Xavier Yvon, vous êtes notre correspondant aux Etats-Unis. Qu'arrive-t-il aux immigrés après avoir franchi la frontière entre les Etats-Unis et le Canada ?


Que deviennent les immigrés qui vont chercher...par Europe1fr