Mali : "le pire des religieux"

Ansar Dine a imposé le port du voile intégral aux femmes, interdit la mixité dans les écoles, le football, la danse, la musique et l'alcool.
Ansar Dine a imposé le port du voile intégral aux femmes, interdit la mixité dans les écoles, le football, la danse, la musique et l'alcool. © Reuters
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Charles Carrasco avec Xaviey Yvon, envoyé spécial au Mali et AFP , modifié à
PORTRAIT - Mohamed Moussa Ag Mouhamed, numéro 3 d'Ansar Dine, a été arrêté.

L'INFO. Il est accusé d'avoir commis les pires exactions pendant des mois dans le nord du Mali. Mohamed Moussa Ag Mouhamed, un haut-responsable d'Ansar Dine -les Défenseurs de l'Islam-, a été arrêté dimanche près de la frontière algérienne par un "groupe armé". De leur côté, les rebelles touaregs du nord du Mali ont  assuré lundi avoir capturé deux chefs islamistes, dont Mohamed Moussa, mais également Oumeini Ould Baba Akhmed, qui serait responsable de l'enlèvement d'un otage français revendiqué par le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao). 

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Qui est Mohamed Moussa Ag Mouhamed ? C'est le numéro 3  de l'organisation islamiste. Mohamed Moussa Ag Mouhamed est "celui qui ordonnait de couper les mains", selon une source de sécurité malienne. Considéré comme "l'idéologue" et la "tête pensante" d'Ansar Dine à Tombouctou, ce Touareg, originaire de la région, est surtout connu à Tombouctou comme le responsable de la "police islamique".

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De nombreuses exactions. Il faisait régner "la terreur", selon des témoignages recueillis ces derniers jours. Mohamed Moussa Ag Mouhamed et son organisation Ansar Dine, qui ont occupé Tombouctou pendant dix mois, ont commis dans le Nord de très nombreuses exactions, au nom d'une interprétation rigoriste de la charia (loi islamique) : amputations, coups de fouets aux couples "illégitimes", aux fumeurs. Ils ont imposé le port du voile intégral aux femmes, interdit la mixité dans les écoles, le football, la danse, la musique et l'alcool.

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Il suffisait que son 4x4 rouge apparaisse et les rues de Tombouctou se vidaient. Les femmes surtout se cachaient pour éviter de finir enfermées dans la banque du centre ville. Mohamed Moussa l'avait transformée en "Centre de la défense du convenable et de l'interdiction du blamable". Ce barbu à la stature imposante, coiffé d'un turban, a tellement terrorisé la population que les notables de la ville sont allés se plaindre aux chefs islamistes.

Un instituteur à la retraite raconte à l'envoyé spécial d'Europe 1 : "j'ai pris la parole pour dire que si pour eux Mohamed Moussa maîtrise la religion, alors pour nous, il était le pire des religieux. Comment quelqu'un qui se prétend religieux se permet de prendre des femmes d'autrui sous prétexte que leurs habits sont transparents ou qu'ils ne sont pas conformes à sa volonté. Qu'ils les enferment dans une prison. Qu'ils ne s'aperçoivent pas qu'elles n'ont pas mangé. Ils nous ont dit : 'maintenant, nous avons entendu, laissez nous le temps de prendre des précautions'. Une semaine après, Mohamed Moussa était relevé de ses fonctions et il a été fait instructeur quelque part". 

Un soulagement pour la population. Aïcha n'est pratiquement pas sortie de chez elle pendant un mois. "Nous sommes contentes mais nous préférerions qu'il le ramène à Tombouctou. Nous, les femmes, on va s'en occuper. On va le couper morceau par morceau tellement on a de la haine contre lui", a-t-elle affirmé au micro d'Europe 1. Un discours de vengeance que l'on entend aujourd'hui dans les rues et le marché de Tombouctou où les femmes ne tremblent plus à la vue d'une voiture rouge.

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