Londres se débarrasse (enfin) d’Abou Qatada

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avec agences
Le prédicateur radical a été expulsé vers la Jordanie après huit ans de procédure judiciaire.

Abou Qatada était depuis une dizaine d’années le cauchemar des autorités britanniques. Ce prédicateur radical dont le cas faisait "bouillir le sang" du Premier ministre anglais David Cameron a été expulsé dimanche vers la Jordanie, où il a aussitôt été inculpé pour terrorisme. Le départ de l’islamiste met fin à une véritable saga judiciaire et diplomatique, résolue seulement par la signature d’un traité entre Londres et Amman il y a quelques semaines.

Abou Qatada, prédicateur REUTERS

Une figure de proue du "Londonistan". Abou Qatada, de son vrai nom Omar Mahmoud Mohammed Othman, 53 ans, est né à Bethléem, alors sous autorité de la Jordanie. En 1993, il arrive en Grande-Bretagne pour y demander l’asile, assurant qu’il est torturé dans son pays. Le prédicateur devient alors l’une des figures de proue du "Londonistan", la scène islamiste de Londres, raconte la BBC. Pour le juge espagnol spécialiste du terrorisme Baltasar Garzon, Abou Qatada était le "chef spirituel d’Al-Qaïda en Europe". L’homme a aussi été décrit un temps comme "l’ambassadeur européen de Ben Laden". Par deux fois, il a été condamné par contumace en Jordanie. Certains de ses écrits ont notamment été retrouvés dans l’appartement de l’un des terroristes du 11-Septembre, en Allemagne. Depuis 2002, il a enchaîné les séjours en prison en Grande-Bretagne, en vertu de la législation antiterroriste.

Un traité pour pouvoir l’expulser. Depuis 2005, la Grande-Bretagne n’a pas ménagé ses efforts pour expulser Abou Qatada, qui a fait appel de chaque décision de justice qui lui était défavorable. Son argument ? Des preuves obtenues sous la torture pourraient être utilisées contre lui lors d’un procès en Jordanie. En 2012, le prédicateur a même remporté une victoire contre Londres devant la Cour européenne des droits de l’Homme. Londres a fini par trouver une parade en signant un traité bilatéral avec Amman. Le texte ne mentionne pas le nom de l’islamiste, mais contient des garanties nécessaires pour bannir l’utilisation de preuves obtenues sous la torture. C’est la ratification du traité, la semaine dernière, qui a rendu possible cette extradition tant attendue. D’autant plus qu’Abou Qatada a coûté cher à la Grande-Bretagne : les efforts du gouvernement pour l’expulser sont estimés à 1,7 million de livres, soit 2 millions d’euros.

Abou Qatada monte dans l'avion qui doit le conduire en Jordanie :

Vers un procès en Jordanie. Abou Qatada a été inculpé pour "complot en vue de commettre des actes terroristes" dès son arrivée en Jordanie. Il doit en effet être rejugé dans deux affaires de "préparation d’attentats" pour lesquelles il a déjà été condamné par contumace en 1999 et en 2000. Lundi, le prédicateur a plaidé non coupable et demandé à être libéré sous caution. La Cour de sûreté de l’État rendra sa décision sur une éventuelle libération "d’ici 48 heures". En attendant, Abou Qatada a été placé en détention préventive pour une durée de 15 jours à la prison de Mouwaqar. Dans ce centre de haute sécurité, une bonne partie des 1.100 prisonniers sont des islamistes accusés de terrorisme.