"Je voyais l'Afghanistan partout. J'ai pété un câble"

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INTERVIEW E1 - Sylvain Favière, ancien militaire parti en mission en Afghanistan en 2008 est l'auteur de Ma blessure de guerre invisible.

Le retour d'une mission sur un terrain de guerre est parfois plus dur que la mission elle-même. C'est ce qu'a confié sur Europe1 mercredi Sylvain Favière, ancien militaire parti en mission en Afghanistan en 2008 et auteur de Ma blessure de guerre invisible.

"Je pétais un câble". Ce père de famille de 39 ans a décrit au micro de Thomas Sotto, la difficulté de revenir à une vie "normale" à son retour en France. "Je voyais l'Afghanistan partout. Je faisais des cauchemars, alors j'ai suivi une thérapie", a-t-il expliqué. "Quand la mission se poursuit, vous êtes dedans donc tout se passe relativement bien. Mais au retour, quand comme moi on se retrouve isolé, les événements ressurgissent, c'est difficile à gérer. Le stress post-traumatique, c'était de l'énervement intempestif, je pétais un câble, je pleurais pour des raisons pas forcément valables, un sentiment d'isolement. En vacances, j'étais tout seul, personne ne s'intéressait à moi, je ne m'intéressais pas aux autres : j'étais encore dans la mission".

"Il y a toujours un sentiment de difficulté à gérer ce genre d'événement. D'abord physique, c'est assez difficile mais surtout psychologique : la camaraderie est quelque chose d'important au sein des armées, la cohésion. Alors quand deux camarades tombent, c'est la communauté entière qui est frappée de plein fouet", a-t-il ajouté, faisant allusion aux deux militaires tués en Centrafrique lundi soir.

"Je pensais que c'était assez isolé". On est aidé, à condition de le demander. L'armée vous accueille, vous dit : "Attention, quand vous allez rentrer chez vous..." Aujourd'hui, il y a un sas de décompression, un numéro vert. A l'époque, ça n'existait pas pour moi. Seul, on peut être dans le déni, dans l'incompréhension. On ne sent pas le besoin de demander de l'aide", a poursuivi Sylvain Favière.

"Au départ, je pensais que c'était assez isolé. Je pensais être seul. C'est pour ça que je n'en parlais pas, que j'avais honte d'en faire cas. Mais quand mon témoignage est sorti, mes camarades qui m'ont soutenu dans cette démarche se sont rendu compte qu'ils avaient les mêmes symptômes. Énormément de monde souffre de ces symptômes, je crois. La difficulté, c'est de les reconnaître, a-t-il conclu.