Barrage de Sivens : mort mystérieuse d'un opposant

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M.-A. B. et avec Géraldine Ruiz et AFP , modifié à
TARN - Le corps d'un homme a été découvert dans la nuit de samedi après des échauffourées entre opposants et gendarmes. Le ministre de l'Intérieur a lancé un appel au calme.

Que s’est-il passé dans la nuit de samedi à dimanche aux abords  du barrage de Sivens ? Le corps sans vie d’un jeune homme de 21 ans a été retrouvé aux abords du chantier de cet ouvrage contesté, dans le Tarn, au terme d’une nuit d’affrontements entre opposants et gendarmes. Pour les antis, la mort est survenue au cours des échauffourées. La préfecture, après avoir confirmé la mort et précisé les circonstances de la découverte du corps, n’a pas voulu faire de commentaires sur ce nouveau développement. Le procureur d'Albi a précisé dimanche soir qu'il était impossible en l'état de déterminer les causes de la mort. Une autopsie doit être menée lundi après-midi afin notamment de faire toute la lumière sur la cause de cette mort troublante.

Un témoignage situe la mort pendant les affrontements. Ben Lefetey, le porte-parole du collectif Sauvegarde de la zone humide du Testet, qui regroupe la majeure partie des opposants au projet de barrage, a expliqué dimanche qu’ "un témoin dit avoir vu quelqu'un s'effondrer lors d'affrontements et être enlevé par les forces de l'ordre".  "Selon les premiers éléments que nous avons recueillis, la mort a eu lieu dans le contexte d'affrontements avec les gendarmes vers  deux heures du matin. Nous ne disons pas que les forces de l'ordre ont tué un opposant, mais un témoin nous a dit que le décès s'était passé au moment d'affrontements", a-t-il précisé. "On n'en sait pas plus sur la cause de ce décès. On ne sait pas si c'est relié directement aux affrontements. On mène l'enquête et nous allons coopérer avec les enquêteurs", a souligné le porte-parole.

Le corps découvert vers deux heures du matin. Contactée, la préfecture n'a pas voulu faire de commentaire sur ces déclarations des opposants.  Quelques heures auparavant, elle avait annoncé dans un très bref communiqué que, "vers 02 heures du matin, le corps d'un homme (avait) été découvert par les gendarmes sur le site de Sivens". "Les sapeurs-pompiers sont intervenus rapidement, mais n'ont pu que constater le décès de la victime. Une enquête a été ouverte sous l'autorité du procureur d'Albi afin de déterminer les causes du décès et l'identité de la victime", ajoute le texte qui ne donne aucun autre élément.

Le procureur attend l'autopsie. Le procureur d'Albi a indiqué dimanche soir qu'il était "impossible" en l'état de déterminer les causes de la mort. Claude Derens a expliqué que les résultats préliminaires de l'autopsie du corps, prévue lundi à la mi-journée, devraient permettre d'en savoir plus. Le magistrat a déploré que les gendarmes chargés de l'enquête, "confrontés à l'hostilité" des manifestants, n'aient pu effectuer dimanche "la moindre constatation technique sur le lieu où le corps a été retrouvé".

"S’il est trop tôt pour affirmer son rôle exact au sein du groupe d’opposants à la construction du barrage de Sivens, il faut rappeler qu’au cours de la nuit dernière, une centaine d’opposants violents a voulu en découdre avec les forces de l’ordre. On dénombre sept victimes de blessures, certaines importantes, parmi les forces de l’ordre", a poursuivi le procureur.  "En raison de l’avancée des opposants, plus nombreux que les gendarmes qui étaient 70, le terrain était balayé par des torches, ce qui a permis de repérer le corps d’un homme gisant au sol. Les gendarmes ont immédiatement fait une sortie pour récupérer le corps de Rémi et lui on donné les premiers secours", a-t-il rapporté.

2.000 opposants pacifiques… et une centaine de casseurs. Selon le lieutenant-colonel Sylvain Renier, commandant du groupement de gendarmerie du Tarn, "100 à 150 anarchistes encagoulés et tout de noir vêtus ont jeté des engins incendiaires" et autres projectiles aux forces de l'ordre. Elles encadraient une mobilisation de "2.000" opposants qui, elle, est restée pacifique, selon lui. Ce rassemblement était le plus important depuis le début de la contestation. Les forces de l'ordre ont fait usage de gaz lacrymogènes, de grenades assourdissantes et de flash-balls, a-t-il ajouté. Il a précisé que des négociations avaient été entamées, en vain, entre un représentant pacifique des opposants à la construction du barrage de Sivens et un des assaillants, qui avait alors dit qu'ils se réclamaient de "l'anarchisme".

Selon une source proche de l'enquête, le jeune homme décédé avait 21 ans et "faisait partie de ceux qui étaient au milieu des échauffourées samedi soir".

Bernard Cazeneuve appelle au calme et condamne les violences. Bernard Cazeneuve a lancé un appel au calme dans un communiqué publié dimanche soir. "Le ministre de l’intérieur appelle (...) à la retenue les responsables politiques et
associatifs qui se sont autorisés à tenir des propos approximatifs, irresponsables et polémiques", peut-on lire dans le texte. "Ces commentaires ne participent ni à la manifestation de la vérité, ni au nécessaire retour au
calme", ajoute-t-il. Le ministre indique également qu'il "condamne avec la plus grande fermeté les incidents qui se sont déroulés dans la soirée". "Aucune cause, dans un Etat de droit, ne peut justifier ce déchaînement de violences répétées", poursuit-il en appelant ainsi au "calme et à la responsabilité".

Le "Notre-Dame-des-Landes du Sud-Ouest". Le projet de barrage-réservoir de 1,5 million de m3 d'eau stockée fait de plus en plus figure de "Notre-Dame-des-Landes du Sud-Ouest", en référence à cette commune de Loire-Atlantique, où une importante mobilisation a provoqué le gel en 2012 de la création d'un nouvel aéroport. Depuis le début des travaux de déboisement le 1er septembre, les échauffourées et les rassemblements se sont multipliés aux alentours du chantier.  Le projet de retenue d'eau est soutenu par le conseil général du Tarn, qui le juge indispensable pour irriguer les terres agricoles alentour. Les opposants dénoncent un projet coûteux destiné, selon eux, à un petit nombre d'exploitants pratiquant une agriculture intensive. Un rapport d'experts, commandé par la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, doit être rendu public la semaine prochaine.