Mort de Rémi Fraisse : "Il est décédé, le mec"

© Le parquet de Toulouse a ouvert mercredi une information judiciaire après la mort de Rémi Fraisse. (MAXPPP)
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Noémi Marois , modifié à
SOIR DU DRAME - Selon des documents auxquels Mediapart et Le Monde ont eu accès, les gendarmes auraient eu tout de suite conscience de la gravité de l'état du militant écologiste. 

Les gendarmes n'ont pas douté de la gravité de la situation quand Rémi Fraisse a chuté à terre, dans la nuit du 25 au 26 octobre, alors qu'il manifestait sur le site du barrage de Sivens. C'est ce que confirment des documents de l'enquête, auxquels Mediapart et Le Monde ont eu accès, malmenant les premières déclarations officielles. 

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"Pour l'instant, on le laisse". Les gendarmes équipés de jumelles nocturnes ont bien vu Rémi Fraisse chuter, suite à l'envoi d'une grenade offensive, entre 1h40 et 1h50 du matin, rapporte Le Monde,qui a eu accès à un procès-verbal daté du 29 octobre. A 1h53, un militaire donne l'ordre de stopper les "F4" (des grenades lacrymogènes instantanées, ndlr) et ajoute "Il est là-bas le mec. OK, pour l'instant, on le laisse".  

L'un des gendarmes croit alors à un retournement de la situation : "C'est bon, il va se relever : Il va se relever, c'est bon !". Mais Rémi Fraisse ne se relève pas et sept minutes s'écoulent. A 2h, un groupe de gendarmes fait une sortie pour récupérer le manifestant blessé. 

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"Il est décédé, le mec ! Là, c'est vachement grave". A l'arrivée du corps, un des supérieurs demande : "Il respire ou quoi ?". Des soins de premiers secours sont apportés par l'infirmier d'escadron. En vain. A 2h03, un gendarme s'écrie : "Il est décédé, le mec ! Là, c'est vachement grave… Faut pas qu'ils le sachent !". 

Contacté par Le Monde, le service de communication de la gendarmerie a justifié cette dernière phrase en avançant qu'"il fallait éviter que ceux qui agressent les gendarmes ne redoublent d'ardeur en apprenant la mort de Rémi Fraisse".

"Ils ont vu quelqu'un suite à l'explosion". Mediapart a eu accès à la déclaration faite le 26 octobre par le gendarme ayant lancé la grenade, à l'origine de la mort de Rémi Fraisse. "Avant de la jeter, je préviens les manifestants de mon intention. Ils bougent beaucoup et je ne sais pas ce qu'ils font au moment où je jette effectivement la grenade", explique le maréchal des logis aux enquêteurs, quelques heures après le drame. "Je ne vois pas ce qu'il se passe après le jet de ma grenade. (...) Par contre, deux de mes camarades me disent qu'ils ont vu quelqu'un suite à l'explosion", poursuit le gradé lors de son récit des faits. 

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Mediapart, citant le journal de bord du Groupement tactique gendarmerie (GTG), ajoute que les gendarmes ont indiqué à 01h45 "Un opposant blessé par OF" (grenade offensive), puis, à 01h59, "Opposant blessé serait décédé. Hémorragie externe au niveau du cou". "Dès dimanche matin, au vue de ces témoignages très précis, (...) il ne faisait en tout cas guère de doute qu'une grenade lancée par le militaire avait tué un jeune manifestant", souligne le site d'informations

"Transparence totale", promet le gouvernement. Après ces révélations, Stéphane Le Foll, le porte-parole du gouvernement, a réaffirmé mercredi une "transparence totale". "Vous ne pourrez pas dire que le gouvernement était au courant et qu'il n'a rien dit", a-t-il ajouté à l'issue du conseil des ministres.

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Une communication malmenée. Le 26 octobre au matin, la préfecture du Tarn avait, dans un communiqué très bref, annoncé que "le corps d'un homme (avait) été découvert par les gendarmes". Après les prises de parole d’un collectif d’opposants, le procureur d'Albi avait assuré qu'il était "impossible" de déterminer les causes du décès.

Le lien avec le tir d'une grenade explosive ne sera officiellement fait que deux jours plus tard, quand le même procureur avait annoncé la découverte de traces de TNT sur les vêtements de Rémi Fraisse. Un explosif entrant dans la composition de grenades offensives. Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, critiqué pour sa communication après les faits, avait alors démenti toute "bavure".