Paris suspects : Karabatic et 15 autres prévenus devant la justice

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Nikola Karabatic, star du handball, est l'un des 16 suspects dans cette affaire de paris sportifs qui auraient été truqués. © © KENZO TRIBOUILLARD / AFP
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C.P.-R. avec AFP , modifié à
Dès lundi, 16 prévenus dont les frères Karabatic, comparaissent devant un tribunal pour des paris sportifs truqués.

L’affaire, mise au jour en septembre 2012, avait fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le milieu du handball français. Près de trois ans plus tard, Nikola Karabatic, triple champion du monde de handball, et quinze autres prévenus comparaissent, à partir de lundi, devant le tribunal correctionnel de Montpellier. Ils sont soupçonnés d’avoir trempé dans une affaire de paris suspects autour du match Cesson-Montpellier qui aurait été truqué. Même s’ils réfutent le trucage, ils sont poursuivis pour escroquerie ou complicité d'escroquerie et encourent jusqu’à cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende.

La défense demande la nullité de l'instruction

Plusieurs avocats des prévenus dans cette affaire des paris suspects ont demandé, lundi à l'ouverture du procès, l'annulation de toute l'information judiciaire et l'audition du juge d'instruction chargé du dossier. Le tribunal correctionnel de Montpellier s'est retiré jusqu'à 14 heures pour délibérer sur cette demande. Selon les avocats, le juge d'instruction ne leur avait pas communiqué sciemment le contenu d'écoutes téléphoniques avant les mises en examen de leurs clients.

Une vedette du hand, sept joueurs, deux compagnes… Aux côtés de la star Nikola Karabatic, sept handballeurs, à l’époque au MAHB (Montpellier Agglomération Handball), seront sur le banc des prévenus : son frère Luka (Aix-en-Provence), son coéquipier en équipe de France Samuel Honrubia (Paris SG), Mladen Bojinovic (PSG), Primoz Prost (Gottingen/GER), Mickaël Robin (Cesson-Rennes) ainsi qu'Issam Tej et Dragan Gajic, encore héraultais. Les deux compagnes des frères Karabatic, Géraldine Pillet et Jeny Priez, ainsi que des proches des joueurs sont également renvoyés devant la juridiction montpelliéraine.

Un match truqué ou non ? L'affaire en question concerne des paris litigieux sur le résultat, à la mi-temps, du match Cesson-Montpellier pour un montant de paris de quelque 80.000 euros. Soupçonnés d'avoir parié contre leur propre équipe, les joueurs auraient fait exprès de perdre à la mi-temps de ce match ayant eu lieu le 12 mai 2012. C’est la question qui sera au cœur de ce procès puisqu’il existe des indices troublants, mais pas de preuves irréfutables.

Plus de 100.000 euros misés sur Cesson. Lors de leurs investigations, les enquêteurs ont établi que les paris avaient été pris en quasi-totalité peu avant 10 heures le matin du match, à la cote de 2,9 contre 1, avec des tickets à 100 euros garantissant l'anonymat du gagnant. A midi, au moment où la Française des Jeux avait procédé à l'arrêt des paris, 102.300 euros - sur 104.887 euros - avaient été misés sur le fait que Cesson mènerait à la mi-temps. Une somme extravagante face aux 3.000 euros engagés en moyenne sur un match de handball.

Mais le pari fut bien gagnant puisque Cesson a mené à la pause (15-12) avant de remporter le match (31-28), sauvant sa place en D1. Aux yeux des experts, il y avait certes des "ingrédients" pouvant expliquer "un match raté" de la part des Montpelliérains. Mais il y avait aussi une "convergence d'indicateurs anormaux, trop curieuse pour être innocente et conjoncturelle".                              

Une tricherie "en équipe" pour le parquet. Dans ses réquisitions, le procureur de la République de Montpellier, Patrick Desjardins, a dénoncé une tricherie "en équipe" dont le premier objectif aurait été d'augmenter la cagnotte des joueurs pour un séjour de fin de saison à Ibiza.

Des paris oui, mais pas de tricherie. Si Nikola Karabatic, Gagic et Tej nient avoir parié sur le match, les autres, dont Luka Karabatic, le reconnaissent. "Nous assumons avoir voulu nous faire un peu de fric en pariant [...] sur certains critères sportifs", plaide ainsi l'avocat du clan Karabatic, Me Jean-Robert Phung, tout en réfutant le trucage du match. "Ils ont parié ? Et alors ? C'est une faute méritant des poursuites disciplinaires, pas pénales", dit-il.

Même son de cloche du côté de Me Patrick Maisonneuve, le conseil de Sameul Honrubia : "Il n'y a aucune démonstration de la tricherie". "On est dans un fantasme judiciaire, un postulat de match truqué", ajoute Me Luc Abratkiewicz, défenseur de Mladen Bojinovic, handballeur décrit comme un "parieur addictif" avec 33.463 euros de gains entre 2009 et 2011.

Véritable contreperformance ou jeu truqué ? Vilipendant l'expertise judiciaire censée prouver que les Montpelliérains ont volontairement laissé Cesson mener à la mi-temps, les avocats expliquent la contre-performance du MAHB par des éléments concrets : un 14e titre de champion de France, le 5e de rang, déjà acquis, l'absence de sept titulaires, dont Nikola Karabatic, et la peur des blessures avant les JO.

Pour certains défenseurs, il y a un autre sujet d'étonnement : le procureur a parlé de "tricherie d'équipe" mais ne cite pas tous les joueurs, notamment le plus mauvais du match - selon les experts - William Accambray. A l'inverse, Issam Tej, excellent, est en cause. "Un tricheur ne fait pas un match exceptionnel", s'agace Me Abratkiewicz.

"Des coïncidences troublantes". En février 2013, la Ligue nationale de handball avait infligé six matchs de suspension aux joueurs impliqués. Mais en appel, la Fédération française de handball (FFHB) a annulé la sanction de Karabatic, Tej et Gajic. La FFHB a relevé Karabatic des "coïncidences troublantes", comme le téléchargement de l'application "Parions sport" sur son smartphone ou un retrait de 1.500 euros, la même somme que celle jouée par sa compagne. Mais l’instance avait estimé que celles-ci ne permettaient "pas de lever le doute".

Quant au club de Montpellier, il compte réclamer un million d'euros de dommages et intérêts et a aussi prévenu que Gagic et Tej seraient licenciés en cas de condamnation.