La magistrate prend deux accusés en covoiturage

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avec Noémie Schulz , modifié à
Deux personnes soupçonnées d'un meurtre sauvage, qui risquent la perpétuité, ont été pris en covoiturage par une magistrate chargée de les juger. Cette dernière aurait fait allusion au procès durant le trajet. L'affaire fait grand bruit.

Leur covoitureuse était aussi la magistrate chargée de les juger. Deux des 18 accusés de la tuerie de Millau ont été transportés lundi par la magistrate suppléante en charge de l'affaire, selon Midi Libre. Dans ce dossier, jugé depuis plus d'un mois par la cour d'assises de Rodez, ils comparaissent libres, accusés d'avoir sauvagement assassiné un jeune homme en 2010. Ils risquent donc la réclusion criminelle à perpétuité. Pour la magistrate, cet épisode pourrait lui coûter sa carrière. Elle n'est d'ores et déjà plus autorisée à siéger à l'audience. Les avocats demandent, de leur côté, le report du procès qui se tient depuis un mois devant la cour d'assises de Rodez.

15 euros pour un retour vers Millau. C'est pour revenir d'un week-end à Montpellier que les deux accusés ont décidé de s'inscrire sur le site de covoiturage Blablacar. Vincent Tournadre et Joshua Bernad, devaient en effet revenir lundi à Millau où se trouve leur résidence, durant le temps du procès. Ils ont alors contacté un des utilisateurs du site, faisant le même trajet qu'eux, et exigeant 15 euros pour le voyage.

Sur Twitter, un journaliste a publié la capture d'écran du compte de la magistrate :

Elle aurait fait allusion à l'affaire durant le trajet. Chemin faisant, les deux hommes ont réalisé que la conductrice n'était autre que la juge suppléante de la cour d'assises. Cette dernière, censée remplacer au pied levé un des trois magistrats professionnels du jury en cas d'indisponibilité soudaine, a assisté à l'intégralité du procès débuté fin septembre. Selon les propos rapportés par leurs avocats, les deux accusés n'auraient pas évoqué le procès avec la magistrate pendant le trajet. Midi Libre rapporte que la conductrice, elle, aurait toutefois fait plusieurs fois allusion à l'affaire.

La magistrate "invitée à prendre quelques jours de congés". A la réouverture des débats mardi matin, le président de la cour, Régis Cayrol, a indiqué que la magistrate était absente car "indisposée". De source judiciaire proche du dossier, la magistrate a en fait "été invitée à prendre quelques jours de congés et elle sera entendue" par le premier président de la Cour d'appel de Montpellier à son retour. En tant que magistrate suppléante, la juge n'était pas censée prendre part au délibéré, sauf indisponibilité d'un de ses trois collègues.

"Le procès ne peut pas continuer". Certains avocats souhaitent même aller plus loin et demandent la suspension du procès. "Prendre en covoiturage des accusés, que l'on a devant soi depuis un mois et demi, et sur lesquels on va vous demander votre verdict de culpabilité, et quelle peine vous pensez leur infliger, une peine qui peut aller jusqu'à la réclusion criminelle à perpétuité, le soupçon est pire que la faute", réagit Me Jean-Robert Nguyen Phung, l'avocat de trois accusés, contacté par Europe 1.

Ce dernier menace donc de ne pas assister au procès. "A partir de l'instant où vous rentrez et vous déclenchez ce soupçon, vous devez vous effacer. Le procès ne peut pas continuer. Il ne continuera pas avec moi", conclut-il.