L’inquiétant profil des suspects de l’opération anti-djihadiste

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avec Nathalie Chevance
Cinq personnes, proches de personnes parties faire le djihad en Syrie, ont été placées en garde à vue mardi, notamment à Lunel. Certaines ne manifestaient aucun signe visible de radicalisation.

Leur interpellation suscite l’étonnement. Cinq personnes, soupçonnées d’être proches des milieux djihadistes, ont été arrêtées mardi, notamment à Lunel, où une dizaine de jeunes ont déjà pris la route de la Syrie. Les autres ont été interpellées à Caussiniojouls, au nord de Béziers et à Aimargues, dans le Gard. Présentés comme des hommes "particulièrement dangereux et organisés" par les enquêteurs, les suspects, âgés de 44, 35, 31 ans et 26 ans, ne s’étaient pourtant pas fait remarquer pour leur radicalisation. Une stratégie de "camouflage" qui inquiète les autorités, d’autant plus que deux des suspects interpellés ont déjà fait le voyage en Syrie, avant de rentrer chez eux. Les trois autres seraient des candidats au djihad.

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Tout pour se fondre dans la masse. C’est notamment le cas de cet homme de 31 ans, vivant à Aimargues, un village de 5.000 habitants. Là-bas pas de ghetto. Le suspect habite avec son père dans un quartier pavillonnaire. Scolarité normale, inscription dans des clubs sportifs, petits boulots d’intérim… le suspect mettait tout en œuvre pour se fondre dans la masse. Et rien ne laissait présager une telle radicalisation. A la suite d’un voyage en Syrie, il y a un an, il n’a toutefois pas échappé aux radars des services de renseignement. Il faisait l'objet d'une "filature soutenue" depuis une semaine, selon le maire Jean-Paul Franc.

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"Ils se font retourner le cerveau". Mais cette radicalisation passe parfois inaperçue auprès des proches des candidats au djihad. C’est ce que constate Tony, un jeune de Lunel, dans l’Hérault. "C’est ça le problème : on ne voyait pas le changement. Il n’y avait pas écrit sur leur front : ‘je vais partir faire le djihad’. Ils se font retourner le cerveau pendant quelques mois et après ils finissent au fond du trou. Ils prennent un billet aller, et ils n’ont n’auront jamais de billet retour, le voyage s’arrête là-bas. On leur promet des choses qu’ils n’auront jamais, comme de l’argent. Ça fait mal d’en parler", réagit le jeune homme, qui a vu plusieurs de ses copains partir faire le djihad en Syrie et ne jamais revenir. Car sur la bonne dizaine de jeunes de Lunel partis mener "la guerre sainte", six sont morts là-bas.

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"Saïd, c'est quelqu'un de bien. Il travaille". A Lunel, classée en zone de sécurité prioritaire avec un taux de chômage atteignant les 20%, les départs de jeunes vers la Syrie inquiètent particulièrement les autorités locales. Mardi, trois individus vivant dans cette commune de 26.000 habitants ont été interpellés. C’est notamment le cas de Saïd, dont l’arrestation surprend le voisinage. "Saïd, c'est quelqu'un de bien. Il travaille. A ma connaissance, il n'avait pas de problème avec la justice. Il tenait un bar à chicha à Lunel",  assure un voisin.

"L‘aveu d’un échec". Face à cette situation, Claude Arnaud, le maire divers droite de Lunel se sent démuni. "Rien dans leur attitude qui prédisait qu’ils allaient partir. Ils ont l’air très affiné dans leur double jeu ou dans leur stratégie de départ. Il s’est passé quelque chose et on n’a pas été foutu de le voir. C’est l‘aveu d’un échec", a-t-il réagi au micro d’Europe 1.

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Certains djihadistes fréquentaient la mosquée Al-Baraka, que le préfet de l'Hérault, début janvier, avait jugée "préoccupante en raison d'un risque d'emprise fondamentaliste". Pour éviter de nouvelles radicalisations, un nouveau président de mosquée a été nommé, avec pour mission d’apaiser les esprits et d’ouvrir le dialogue.