Karachi : le "trouble" d'un proche de Balladur

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Fannie Rascle (avec AFP) , modifié à
Le trésorier de la campagne de 1995 s'interroge sur le versement d'1,5 million d'euros.

Après les accusations des familles de victimes, les révélations de la presse, voilà que s’expriment des doutes dans l’entourage même d’Edouard Balladur. Le nom de l’ancien Premier ministre est de plus en plus souvent cité dans le dossier de l’attentat de Karachi au Pakistan dans lequel 14 Français ont été tués. Pour sa campagne présidentielle de 1995, il aurait pu bénéficier de l’argent lié à des rétrocommissions occultes.

Selon Libération, l'association de financement de la campagne d'Edouard Balladur pour l’élection présidentielle aurait reçu dix millions de francs, soit 1,5 million d'euros. "Cela ne me dit rien", assure pourtant René Galy-Dejean, le trésorier de cette campagne. Avant de lâcher, interrogé par Mediapart : "une telle somme, tout de même, je ne l'aurais pas oubliée".

"Ce qui me trouble"

Dans le détail, Libération parle d’un bordereau bancaire sur lequel il est mentionné "que l'argent provenait de collectes effectuées lors des meetings électoraux". Le quotidien s’étonne que "la moitié de ces 10 millions a été apportée en grosses coupures de 500 francs".

Un détail qui retient aussi l'attention de René Galy-Dejean. "Ce qui me trouble le plus, c'est qu'il s'agisse de grosses coupures, alors que je n'en voyais quasiment jamais passer", les militants donnant plutôt des fonds avec des petites coupures. Et jamais de billets neufs, précise Mediapart.

"Pour l'instant, la preuve décisive que ces fonds auraient permis de solder les comptes de campagne d'Edouard Balladur manque", écrit Libération. Mais le quotidien pointe du doigt la concomitance entre ce versement pour la campagne présidentielle et le versement d'une commission occulte à deux intermédiaires, justement "imposés par les balladuriens".

Un attentat en guise de représailles ?

Officiellement, du côté du Pakistan, c’est la piste Al-Qaida qui a été avancée pour expliquer l’attentat du 8 mai 2002, à Karachi. Onze salariés français de la Direction des constructions navales avaient alors été tués.

Mais en février dernier, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour "corruption". Le nouveau scénario sur lequel travaillent les juges d’instruction : une attaque en forme de représailles des militaires pakistanais, après l’arrêt de versements de rétrocommissions occultes liées à des contrats d’armement entre la France et le Pakistan. Des "coupes" auraient ainsi eu lieu en 1996, puis en 2001 révèle Libération. Soit quelques mois avant l'attentat.

Le rapporteur de la mission d'information parlementaire sur l'attentat de Karachi, le député socialiste Bernard Cazeneuve, avait lui-même demandé en mars dernier l'audition d'Edouard Balladur. Mais des élus UMP s'y seraient opposés. Selon les familles des victimes, Nicolas Sarkozy, parce qu'il était ministre du Budget à l’époque et proche d’Edouard Balladur, pourrait être lié à ce dossier. Le chef de l'Etat avait qualifié il y a quelques mois ces accusations de "grotesques".