Jeannette Bougrab à propos de Charb : "J'ai perdu mon amour"

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L'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, revient avec émotion sur l'attentat qui a coûté la vie à son compagnon, le dessinateur de Charlie Hebdo, Stéphane Charbonnier.

"J'ai perdu l'être aimé, j'ai perdu mon amour, j'ai perdu une partie de moi." Dans une vibrante interview accordée à BFMTV, Jeannette Bougrab, qui partageait la vie de Stéphane Charbonnier, alias Charb, est revenue sur l'attentat qui a coûté la vie à son compagnon et à onze autres personnes. Pour l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, "ce drame aurait pu être évité", mais les moyens de sécurité suffisants n'ont pas été mis en place. C'est avec une grande tristesse, et de la colère aussi, qu'elle revient sur ces événements.

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"On aurait pu sauver leur vie". C'est d'abord l'incompréhension qui submerge Jeannette Bougrab. Selon l'ancienne présidente de Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), l'attentat aurait pu être évité, notamment si les moyens de sécurité avaient été maintenus. "On se dit qu'on a perdu beaucoup de temps, qu'on aurait pu sauver leur vie et qu'on ne l'a pas fait. Charb se sentait menacé. Il était protégé, mais on avait supprimé une protection statique devant Charlie Hebdo, qui aurait peut-être pu éviter le drame. J'ai le sentiment d'un immense gâchis", réagit-elle sur BFMTV.

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© Fred Dufour/AFP

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Jeannette Bougrab pointe également du doigt la responsabilité des pouvoirs publics dans cette affaire. "Je pense qu'il y a une responsabilité des pouvoirs publics, notamment ceux qui disaient que les membres de Charlie Hebdo étaient islamophobes et racistes. Je pense à certains pouvoirs de gauche, comme les indigènes de la République, je le dis sans langue de bois", déclare-t-elle avant de laisser place à l'émotion.

"C'était mon héros". "C'était des gens exceptionnels, c'est de vrais héros. J'étais avec un héros que j'admirais. On était de bords politiques très différents, mais il me disait que j'étais une communiste qui s'ignorait", sourit-elle au bord des larmes, avant de se reprendre dans un sanglot, disant qu'"il n'aimerait pas la voir pleurer". C'est donc avec une grande fierté que Jeannette Bougrab évoque l'homme qui a partagé sa vie pendant plusieurs années.

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"Il est mort debout. On l'a exécuté parce qu'il défendait la laïcité, parce qu'il défendait l'esprit voltarien, parce qu'il était le fruit de cet idéal de république que l'on a oublié. Il a été exécuté avec ses 'camarades' comme il me dirait. On ne peut que être très fier de lui", s'émeut-elle, ajoutant que Charb et les autres dessinateurs qui ont perdu la vie méritent le Panthéon. "Ils méritent une cérémonie comme Malraux a pu faire pour Jean Moulin. Si j'étais président de la République, je leur donnerais le Panthéon. Ils sont morts pour la liberté d'expression. Ils sont morts pour la laïcité. Ils sont morts pour que l'on puisse rester libre dans ce pays qui est le nôtre", insiste-t-elle.

"Charb mérite le Panthéon" :

"Il est mort, il ne reviendra pas". Pour autant, Jeannette Bougrab ne se dit pas émue par les différents rassemblements qui se tiennent depuis mercredi pour rendre hommage aux dessinateurs. Si elle reconnaît qu'il y aura un "avant et un après l'attaque de Charlie Hebdo, elle estime que ces regroupements ne lui rendront pas l'être aimé. "J'ai perdu Stéphane, tout ça ne le ramène pas, il est mort, il ne reviendra pas. Pour l'instant, les rassemblements, ça ne me fait rien. C'est une défaite, une tragédie, je refuse de me réjouir à l'idée que des gens manifestent dans la rue parce qu'ils m'ont enlevé la personne que j'aime", confie-t-elle.

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C'est d'ailleurs pour cette raison que Jeannette Bougrab ne participera pas à la marche républicaine organisée dimanche, en hommage aux victimes de l'attentat de Charlie Hebdo, et où de nombreuses personnalités politiques sont attendues. "Je ne serai pas à la marche, ce n'est pas ma place. Il est irremplaçable et aucune manifestation ne le rendra", insiste-t-elle.

Quand vous prenez un crayon on peut vous tuer :

"Si Charlie Hebdo disparaissait demain, on les assassinerait une nouvelle fois". Concernant l'avenir du journal, l'ancienne ministre espère que Charlie Hebdo va perdurer, avec de nouveaux dessinateurs. Et de conclure : "Charlie doit continuer, mais les pères fondateurs sont partis, il faut trouver des gens aussi pugnaces qu'eux. Si Charlie Hebdo disparaissait demain, on assassinerait une nouvelle fois Charb, Cabu, Wolinski, Tignous et tous les autres."