Incarcéré à tort à deux reprises parce que son homonyme est un violeur en fuite

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Le 22 mars, Mohamed Camara a à nouveau été interpellé et détenu à la place de son homonyme. © JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP
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Anaïs Huet , modifié à
Confondu avec son homonyme, condamné pour viols sur mineures, Mohamed Camara a passé six mois en prison en 2001. Fin mars, l'erreur judiciaire s'est reproduite.

Il porte le même prénom et le même nom de famille, est né le même mois de la même année, dans le même pays. Ces quelques éléments sont à l'origine d'une grossière erreur judiciaire, qui a conduit à mettre sous les verrous pendant six mois un innocent, simple homonyme d'un pédophile en fuite, condamné à 20 ans de réclusion par la cour d'assises de Paris, en juin 2001, pour viol sur mineures. En mars dernier, il a à nouveau été interpellé et placé en détention pendant deux semaines, pour le même motif.

Un pédophile condamné en fuite. Mohamed Camara, 44 ans, pensait en avoir fini avec cette histoire qui, plus encore que sa liberté, lui a volé sa santé. En juillet 2001, un mois après la condamnation par contumace de "l'autre Camara", cet habitant de Vandoeuvre, en Lorraine, est interpellé à bord du train Bruxelles-Paris, relate L'Est républicain. Les policiers belges sont persuadés de détenir le pédophile en fuite, sous le coup d'un mandat d'arrêt international. Les protestations de l'étudiant ne convainquent pas les policiers. Il est emprisonné en Belgique, puis en France.

 

 

Six mois d'enfer en prison. Il lui faudra six mois pour prouver qu'il n'est que l'homonyme du pédophile, notamment grâce aux témoignages des deux victimes. Six mois en prison durant lesquels Mohamed Camara vit l'enfer. À sa sortie, il n'est plus que l'ombre de lui-même. Cet étudiant en sciences sociales met un terme à son parcours universitaire, et multiplie les séjours en hôpital psychiatrique. Pour vivre, Mohamed Camara doit compter sur l'allocation adulte handicapé.

 

60.000 euros d'indemnisation. Dix ans plus tard, en 2012, à Thionville en Moselle, Mohamed Camara se fait à nouveau contrôler. Il passe 24 heures en garde à vue, avant que les enquêteurs ne prennent connaissance des éléments qui l'innocentent. L'an dernier, il a finalement reçu une indemnisation de 60.000 euros au titre de sa détention injustifiée.

Confondu, encore. Cette bataille gagnée, Mohamed Camara tente alors de se reconstruire. Il est même décidé à reprendre ses études universitaires. Le 22 mars dernier, il prend le train pour s'inscrire à la fac. Mais à Bruxelles, les policiers belges le confondent à nouveau avec son homonyme pédophile. Immédiatement remis aux autorités françaises, il passe deux jours à la prison de Valenciennes, avant d'être transféré à Fleury-Mérogis. 

Des réponses qui tardent à venir. Son avocat, Me Berna, n'apprend l'interpellation de son client que deux jours après, le 24 mars. Le magistrat remue ciel et terre pour savoir où se trouve son client, mais se heurte à une absence pure et simple de réponse, et ce pendant une dizaine de jours. A L'Est républicain, Me Berna raconte avoir même envisagé de "porter plainte pour enlèvement et séquestration". Une greffière du tribunal de Paris accepte finalement de transmettre les documents authentifiant l'identité du quadragénaire lorrain. Ce jour-là, Mohamed Camara vient d'être libéré, après deux semaines de détention, grâce à un test ADN.

Une explication "invraisemblable". Selon Le Parisien et L'Est républicain, le ministère de la Justice explique que Mohamed Camara aurait, au cours de son audition, confirmé "plusieurs fois" qu'il était le coupable, visé par un mandat d'arrêt. Une explication fumeuse, de l'avis de son avocat. "Il n'aurait jamais dit une chose pareille, c'est invraisemblable et ridicule", s'agace Me Berna auprès de nos confrères du Parisien. Aujourd'hui, le magistrat demande à nouveau réparation.

Le véritable pédophile, lui, n'a toujours pas été retrouvé.