Bagarres de rue entre mineurs dans l'Oise : "la violence est théâtralisée"

© Capture vidéo Facebook
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A.H.
Des collégiens et des lycéens de l'Oise s'adonnent depuis quelques temps à des combats de rue, filmés et diffusés sur les réseaux sociaux. Doit-on pour autant s'alarmer d'une montée de la violence chez les mineurs ?
INTERVIEW

Épiphénomène ou véritable source d'inquiétudes ? Dans son édition de vendredi, Le Parisien relate l'existence de combats de rue entre des collégiens et des lycéens de l'Oise. Ces scènes, filmées et diffusées sur les réseaux sociaux, se multiplient, au point d'alerter la police, la mairie de Beauvais et le personnel des établissements concernés. Le parquet de Beauvais a été saisi.

Le journal, qui a pu consulter bon nombre de ces vidéos postées sur une page Facebook dédiée à ces "bastons de rue", fait état de scènes d'une violence "parfois extrême" entre des personnes mineures, garçons comme filles. On y voit des bagarres très organisées, avec des arbitres qui ouvrent et mettent fin aux combats, raconte le quotidien. Certaines de ces vidéos ont été visionnées plus de 10.000 fois. 

Véronique Le Goaziou, chercheuse au CNRS et auteure de La violence des jeunes en question, analyse ce qui pourrait n'être qu'un "effet de mode".

A-t-on l'habitude de constater ce genre de violences organisées entre mineurs ?

On a régulièrement ce type de phénomènes de mode. Ils peuvent disparaître aussi rapidement qu'ils sont apparus. Il y a quelques années, on s'inquiétait de constater dans les cours de récréation la pratique du "jeu du foulard", qui consiste à retenir sa respiration ou à serrer le cou jusqu'à perdre connaissance. Aujourd'hui, on n'en parle quasiment plus. Bien qu'il faille rester toujours prudent face à ce type de phénomènes, ce n'est sans doute qu'une traînée de poudre. On peut y être vigilants, et en même temps ne surtout pas les exacerber par une surveillance excessive. 

Les réseaux sociaux ont-ils exacerbé ce phénomène ?

Ils le provoquent, le créent. Ça ne veut pas dire que la brutalité n'existe pas dans les relations avec les jeunes. Mais là, c'est fait pour être vu, diffusé, à l’instar d’autres comportements comme le porno et la théâtralisation de sa sexualité sur des sites dédiés. Ces corps-à-corps brutaux sont pensés pour être diffusés, dans une sorte de théâtralisation. C'est la possibilité de se faire voir, de se mettre en scène, qui va créer la motivation, pas la violence en elle-même. Ces jeunes sont parfaitement conscients de ce qu'ils font.

Certaines de ces vidéos cumulent un nombre de visionnages important. L'attrait pour la violence est toujours aussi présent ?

La brutalité et la violence ont toujours fasciné, pas davantage aujourd'hui qu'hier. Surtout dans des sociétés où on fait la guerre à la violence sous toutes ses formes, où elle n'a plus de légitimité. Ce sont toujours des images qui sidèrent, étonnent, voire fascinent. Et c'est bien là qu'est le danger. 

Dans ces "bastons de rue", des garçons, mais aussi des filles se défient. Faut-il s'étonner de voir des adolescentes prendre part à ces bagarres ?

L'image est étonnante, en effet, car on n'a pas l'habitude. Mais faut-il en déduire une augmentation de la violence chez les filles ? On sait que certaines jeunes filles issues des classes populaires, dans les banlieues ou les campagnes, peuvent avoir des comportements très violents. Si c'est l'un des signes d'un phénomène d'ampleur, on le verra dans les années qui viennent.