Pourquoi avouer quand on est innocent ?

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Un juriste américain a enquêté sur ces faux aveux, qui sont pourtant souvent riches en détails.

Eddie Lowery pensait être un “imbécile”. En 1981, il a avoué avoir violé une vieille dame avant que des recherches ADN ne le disculpent. Pour ces aveux qui n’en étaient pas, il a passé dix ans en prison. Eddie Lowery le sait désormais, il n’est pas le seul “imbécile”. Brandon L. Garrett, chercheur à la faculté de droit de l’Université de Virginie, a travaillé sur les cas d’une quarantaine d’Américains qui ont confessé des crimes qu’ils n’avaient pas commis.

Le danger de la "contamination"

Comment des personnes saines d’esprit, ni particulièrement jeunes, ni particulièrement fragiles, peuvent-elles avouer alors qu’elles sont innocentes ? C’est la question à laquelle Brandon L. Garrett apporte des réponses nouvelles, dans une étude révélée par le New York Timeslundi.

Le point commun à la plupart de ces faux aveux : une "contamination" du dossier par les enquêteurs eux-mêmes qui, de façon intentionnelle ou non, fournissent suffisamment de détails pour rendre les confessions crédibles.

"Je pensais que de faux aveux allaient paraître fragiles, par exemple quelqu’un qui dirait juste 'je l’ai fait'", explique Brandon L. Garrett. Mais en reprenant les comptes-rendus d’interrogatoire, le juriste a découvert que "la plupart des confessions paraissaient étrangement fiables", riches en détails.

Des aveux étrangement détaillés

Eddie Lowery, par exemple, a d’abord raconté aux enquêteurs qu’il était entré dans la chambre de sa victime en frappant à la porte d’entrée. Or le coupable était passé par la porte de derrière. Eddie Lowery a donc fini par "confesser" qu’il était passé par la porte de derrière. Un simple détail en apparence qui s’intégrait dans l’ensemble de ses aveux et venait ainsi les renforcer.

Au moment du procès, ce sont souvent des témoins qui enfoncent le clou. Or "s’ils sont nombreux à dire qu’ils étaient sûrs de leurs dires à la barre, ils sont aussi nombreux à reconnaître qu’ils doutaient avant le procès ou que la police leur a donné des informations", explique le juriste Brandon L. Garrett, dans une interview au Daily Progress.

Brandon L. Garrett estime pourtant, au vu de ses recherches, que la plupart des "contaminations", au départ, ne sont pas faites intentionnellement pas les enquêteurs. Mais une fois que le mal est fait, difficile de faire marche arrière. "Vous êtes tellement focalisé sur l’idée que c’est la bonne personne, c’est le coupable, que vous avez tendance à ignorer tout le reste", résume Jim Trainum, un ancien policier interrogé par le New York Times. Son nouveau travail : conseiller les enquêteurs pour les aider à reconnaître de faux aveux.