Antiterrorisme : une loi pour doper les moyens du renseignement

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Alain Acco avec Chloé Pilorget-Rezzouk et AFP , modifié à
Présenté jeudi en conseil des ministres, un projet de loi accordera de nouveaux droits aux services de renseignements pour mieux lutter contre le terrorisme.

L'info. Deux mois après les attentats parisiens, le gouvernement souhaite améliorer l'arsenal des moyens des services de renseignement pour lutter contre le terrorisme.Un projet de loi, qui sera présenté jeudi en conseil des ministres, leur donnera de nouveaux droits, notamment en matière d'écoute de conversations téléphoniques et d'interception des courriels dans la lutte contre le terrorisme, a révélé Le Figaro, mardi. 

Améliorer les moyens de surveillance. La grande nouveauté de ce projet de loi, c'est d'abord qu'il délimite un cadre légal aux pratiques des services de renseignement. Ils auront désormais le droit de poser des balises sur les voitures des suspects, des micros ou des caméras dans les appartements, ou encore d'installer des "keyloggers", ces logiciels espions qui permettent de savoir ce que les personnes tapent sur leur clavier, pour mieux infiltrer et surveiller les terroristes potentiels.

Car toutes ces techniques, les services de police judiciaire les utilisent tous les jours, avec l'accord d'un juge. Mais les services de renseignement, eux, n'avaient pas le droit de les utiliser en théorie, même s'ils le faisaient depuis quelques années au risque d'être poursuivis en justice. 

Un cadre juridique pour protéger les agents dans leur mission et garantir leur légitimité. C'est justement pour éviter ces poursuites que ce projet de loi, porté par le député PS et président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, en accord avec les services du ministère de l'Intérieur, propose un cadre légal à ces pratiques. Les agents des services spécialisés ne devraient donc plus être exposés à des risques pénaux injustifiés puisque pour la première fois en France, le projet vise à "offrir un cadre légal général à des activités [...] susceptibles de porter atteinte à la vie privée et au secret des correspondances". 

Exit la case judiciaire. Les services pourront désormais surveiller les terroristes potentiels grâce à des autorisations administratives, sans être contraints de passer par la case judiciaire. Ils pourront effectuer en toute légalité des "interceptions de sécurité" portant sur les contenus électroniques des mails et des conversations téléphoniques, dès lors que ceux-ci seront en lien direct avec l'enquête.

L'usage des "techniques spéciales" restreint à une liste "limitative" de motifs. Pour la première fois aussi, le législateur dresse une liste "limitative" de motifs pour lesquels les services peuvent avoir l'autorisation de recourir à ces "techniques spéciales" de recueil du renseignement. Outre la "défense nationale, les intérêts de politiques étrangères, les intérêts économiques ou scientifiques majeurs", figurent aussi "la prévention du terrorisme, de la prolifération des armes de destruction massive ainsi que des violences collectives pouvant porter gravement atteinte à la paix publique".

Autorisation d'un outil polémique. En revanche, un point en particulier risque de soulever la question de l'atteinte à la vie privée. Le projet de loi accorde en effet l'autorisation d'utiliser un nouvel outil, redoutablement efficace, l'Imsi Catcher. Cette  fausse antenne relais, de la taille d'une valise, se connecte à tous les téléphones portables se trouvant à proximité. Pudiquement nommée dans le texte "dispositif mobile de proximité", cet appareil espion relèvera en réalité, sans distinction, tous les appels, les conversations, les SMS et les données, dans un rayon de plusieurs dizaines voire de plusieurs centaines de mètres.

Alors, même si le texte garantit que son utilisation sera exceptionnelle, et que le contenu des conversations et des métadonnées ne pourra être capté, cela peut faire peur et ces restrictions d'usage ne seront sans doute pas suffisantes pour les associations de défense des droits de l'homme.

Une nouvelle autorité de contrôle. Mais pour contrôler tous ces usages, le projet de loi prévoit de remplacer l'actuelle commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) par une nouvelle autorité administrative indépendante, dotée de beaucoup plus de moyens, et qui pourrait ressembler à la CNIL, la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

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