Le journal de l'économie de Martial You

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Rédaction Europe1.fr , modifié à
Martial You consacre sa chronique à la transformation de La Poste en société anonyme. Dans Europe 1 matin avec Aymeric Caron.

La Poste va changer de statut pour devenir une société anonyme. On le savait déjà mais aujourd'hui, le processus se met réellement en marche puisqu'on va l'examiner en conseil des ministres avant un débat parlementaire à la rentrée. Qu'est-ce que ça va changer ?

Officiellement ? Rien. Mais vous vous doutez bien que ce n'est pas aussi simple. Pourtant, quand vous regardez le texte, il n'y a pas de quoi mettre un facteur dans la rue. La Poste deviendra une entreprise anonyme, mais le 1er article de la loi indique que les futurs actionnaires seront des entreprises publiques. Autrement dit une entreprise à 100% tenue par l'Etat. La piste de l'introduction en bourse a également été abandonnée. Il faut dire que le contexte n'est pas des plus favorables. La loi impose aussi de conserver les missions de service public et elle garantit leur statut aux 155.000 fonctionnaires qui représentent deux employés sur trois. Mais pour tous les nouveaux salariés engagés, ce sera un statut privé, comme c'est déjà le cas. L'objectif est d'être prêt pour l'ouverture à la concurrence en 2011, et, pour l'instant, on tient le calendrier.

Mais alors pourquoi certains postiers ont-ils manifesté contre ce projet, à Bercy, mardi ?

Le problème, c'est que ces garanties ont déjà été données pour d'autres entreprises dont on a changé le statut puis ouvert le capital à des fonds privés. Les syndicats avertissent qu'une entreprise est publique même quand l'Etat n'a que 51% du capital, ça laisse de la place aux actionnaires privés. Et puis, l'objectif de ce nouveau statut est de pouvoir lancer des raids sur des concurrents à l'étranger. Le seul moyen de survivre est de grossir et d'aller chez nos voisins. Mais cela veut dire aussi acheter des groupes qui ne sont pas tous publics et laisser entrer, là encore, des actionnaires privés. La CGT est persuadée que cette privatisation rampante va provoquer des fermetures de bureaux et des suppressions d'emplois. En réalité, tout cela est déjà en cours, statut privé ou pas. La Poste est actuellement sur un rythme de 15.000 départs par an. C'est environ 1 salariés sur 2 qui n'est pas remplacé.

Pourquoi de ce changement de statut ?

Le premier intérêt pour la Poste, il est d'abord financier parce que cela va s'accompagner d'une augmentation de capital : l'Etat va injecter 2,7 milliards d'euros. Il faut dire que la situation est préoccupante, il faut trouver des relais de croissance. Le courrier représente la moitié du chiffre d'affaires actuellement et l'activité est baisse de 6,3% depuis le début de l'année. Les 2,7 milliards vont permettre à la Poste de se moderniser avec des travaux qui seront directement visibles par les clients. Tous les bureaux de Paris, par exemple, seront modernisés d'ici la fin de l'année. Outre les acquisitions de concurrents pour rivaliser avec les Fedex ou Deutsche Post/DHL qui pèsent jusqu'à 3 fois plus lourd en chiffre d'affaires, le groupe français va aussi proposer de nouveaux services. La direction y réfléchit déjà en imaginant un coffre-fort personnel pour conserver l'argent de façon virtuelle, développer les services proposés par les facteurs et, bien sûr, améliorer encore le service aux entreprises qui représentent 97% du courrier. Les PTT se sont séparées en deux à la fin des années 80 : France Télécom a été privatisée et s'en montre plutôt satisfaite 5 ans plus tard. Son ancienne soeur siamoise doit sans doute suivre le même chemin et c'est bien ce qui fait peur à la gauche et aux syndicats.