Décryptage du résultat du référendum sur la Hongrie et Alstom sera sauvé demain selon Manuel Valls : les experts d'Europe 1 vous informent

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SAISON 2016 - 2017

Axel de Tarlé, Géraldine Woessner et Sophie Larmoyer font le point sur l'actualité du jour.

Axel de Tarlé, expert économie

Manuel Valls annonce le sauvetage d'Alstom pour demain, mardi.

On n'a pas beaucoup de détail. Que pourrait décider le gouvernement ?

Le gouvernement pourrait décider de forcer la SNCF a acheté du matériel dont elle n'a pas besoin ou en tous cas, pas immédiatement.
On sait que la SNCF négocie l'achat de six TGV Paris-Milan mais, il y a un litige sur le prix. La SNCF veut faire baisser ce prix de 20 Millions. Fianlement, elle va devoir passer à la caisse et payer plein pot les six TGV.
Après, on s'interroge sur des commandes avancées, de locomotives.

Mais, le message est désastreux en terme de pédagogie d'abord.
Cette affaire entretient le mythe de l'État magicien. Manuel Valls hier "Mardi, nous sauverons le site d'Alstom, à Belfort". C'est incroyable, On a la date et le lieu de là où va se produire le miracle. Là, ou on va changer l'eau en vin.
Maintenant, Toutes les entreprises de France en difficultés sont légitimes à demander, elles aussi, une intervention divine de l'État qui doit pouvoir renouveler le miracle.

Mais, surtout, pour ce sauvetage, l'État réquisitionne la SNCF, qui n'a pas le choix et qui doit s'exécuter.
Au-delà du coût financier pour la SNCF, c’est une infantilisation terrible de la compagnie au moment où celle-ci doit se préparer à la concurrence. La SNCF se retrouve complètement sous la tutelle du ministre, elles est désormais déresponsabilisée et aux ordres du gouvernement.

Dans ces conditions, on a envie de donner les clés du camion au ministre. Allez y monsieur Valls, prenez les commandes.
On fragilise la SNCF alors qu'elle croule sous 50 milliards de dettes et qu'elle va affronter la concurrence d'opérateurs privés dans les régions dès l'année prochaine et pour les TGV en 2020.

Sophie Larmoyer, experte internationale

Victoire massive du "non" au referendum organisé hier par la Hongrie, à plus de 98%. "Non", les Hongrois ne veulent pas que l’Union européenne leur impose d’accueillir un quota de migrants. Quelle valeur a ce referendum, ce matin, pour l’Europe et sa politique sur les réfugiés ?

D’un point de vue purement juridique, aucune valeur.
D’abord, parce que ce score du "non" est énorme mais il représente à peine 40% des suffrages exprimés, ce qui rend ce referendum invalide, du point de vue même de la Constitution hongroise.
Pour l’Europe, ce referendum n’avait pas non plus de valeur juridique : la relocalisation de 160.000 migrants dans toute l’Europe, ce plan contesté par Viktor Orban, a été adopté il y a un an par le Conseil des ministres de l’Union, à la majorité qualifiée. La "majorité qualifiée", ça veut dire que certains, dont la Hongrie, n’étaient pas d’accord mais que la décision s’impose à eux. Ce sont les règles de fonctionnement de l’Europe, acceptées par tous ses membres, y compris la Hongrie.

Donc quand Viktor Orban dit, hier soir "Nous avons décidé que la question (migratoire) relevait de la juridiction de la Hongrie" ?

C’est du flan. Il n’a pas ce pouvoir de décision.

Pas de conséquence juridique, d’accord, mais politiquement ?

Alors d’un point de vue politique on pourrait dire qu’il a perdu puisque malgré la propagande mise en place, le referendum est invalidé. Viktor Orban va devoir gérer cela chez lui, sur la scène politique intérieure.
Et pourtant ses idées ont déjà gagné, en quelques sortes, en Europe. Concrètement, plus personne ne parle de se partager 160.000 réfugiés sur deux ans. Très peu ont joué le jeu depuis un an : 5.600 réfugiés seulement ont été relocalisés. Et l’objectif affiché désormais par la Commission européenne, c’est d’arriver à 30.000 d’ici fin 2017. C’est donc beaucoup moins, parce qu’entre temps les résistances se sont exprimées. En Hongrie notamment, dans d’autres pays de l’Est, mais aussi en Allemagne, où le dossier des migrants a provoqué une poussée de l’extrême droite, Angela Merkel a dû temporiser.

Donc les quotas sont morts nés.

En tant que tels, oui ! Même s’ils sont juridiquement valides. Le constat c’est qu’on ne peut pas obliger un pays à être solidaire.
Alors les dirigeants européens envisagent désormais d’autres pistes. Ceux qui n’accueilleront pas de réfugiés pourront par exemple participer plus fortement à la sécurisation des frontières extérieures de l’Europe, notamment via le nouveau corps de gardes-frontières qui sera opérationnel jeudi, le 6 octobre.
Et avec ça, Viktor Orban devrait être d’accord.

Géraldine Woessner pour le Vrai faux de l'info

Le vrai-faux de l’info, avec cette idée reçue de François Fillon.

L’ancien premier ministre, défend le programme le plus libéral des candidats à la primaire de la droite et du centre. Il veut libérer le marché du Travail pour parvenir au plein emploi, et il a un modèle : l’Allemagne.

François Fillon : "La pauvreté est beaucoup moins importante en Allemagne aujourd'hui qu'en France. C'est une évidence".

La pauvreté est beaucoup moins importante en Allemagne qu’en France, c’est vrai ou c’est faux ?

C’est faux. François Fillon a cette perception, comme beaucoup de gens d’ailleurs, parce que l’Allemagne va bien et que c’est une locomotive économique, proche du plein emploi. Pourtant, il n’y a jamais eu autant de pauvres dans le pays depuis la réunification. 13 millions d’allemands vivent sous le seuil de pauvreté soit 15,7% de la population. En proportion donc, c’est plus qu’en France, où l’on recense quelque neuf millions de pauvres soit 14,1% de la population.
Évidemment, ces données sont relatives. On appelle "pauvre" ici, les gens qui gagnent moins de 60% du revenu médian, c’est 1.000 euros en France et 940 en Allemagne. C’est un seuil contestable, si les revenus augmentent, le seuil de pauvreté aussi automatiquement, mais il permet au moins les comparaisons.

Comment expliquer justement que l’Allemagne, avec des indicateurs au vert, voit la pauvreté augmenter ?

Certaines réformes se sont faites dans la douleur. Il y a moins de chômeurs et les salaires ont globalement augmenté pour les personnes en poste, celles déjà insérées mais pour les autres, c’est très dur, le travail précaire a explosé. De plus en plus de petits boulots sont payés une misère et l’instauration très récemment d’un salaire minimum à 8,50 euros de l’heure ne va pas changer grand-chose. Les mères célibataires par exemple resteront en-dessous du seuil de pauvreté. Résultat, l’écart se creuse de plus en plus entre les Allemands les plus riches et les plus pauvres, comme dans tout le monde occidental. Sauf que les filets sociaux ont été distendus, la réforme des retraites en 2005 a entraîné une baisse du niveau des pensions et 3,4 millions de retraités allemands vivent désormais sous le seuil de pauvreté soit c’est 17% du total. En France, c’est "seulement" 8%.

Donc non, la situation outre-Rhin, n’est pas rose et oui, des Allemands dorment aussi dans la rue. Ce que François Fillon minimisait un peu plus tôt dans l’Interview : L’Allemagne compte aujourd’hui 330.000 sans-abris pour 80 millions d’Habitants, c’est en proportion, 90% de plus qu’en France.