Natacha Polony, La Revue de presse 18.02.2016 1280x640 6:58
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La presse quotidienne revient ce jeudi sur l'Europe qui tremble devant l'Angleterre.

Ce matin en Une de vos journaux l’Europe tremble devant des Britanniques décomplexés :
La Croix : l’Europe à la carte.
Libération : Europe et Royaume Uni : Tu veux ou tu veux pas ?

Côté français, on fait du Tony Blair :
Les Echos : Licenciement, 35h, Valls fait bouger les lignes.

Et puis, si vous tombez sur la Une de l’Opinion, n’enguirlandez pas votre kiosquier en lui disant qu’il cherche à vous vendre le journal d’hier. La Une : Peut-il tenir ? Oui, c’est le même titre qu’hier. Mais hier, il était question de François Hollande et ce matin, on parle de Nicolas Sarkozy. Et nous, électeurs, nous pourrons tenir et supporter qu’on nous rejoue le match de 2012 ?
Enfin, le Parisien nous alerte : Les touristes ont peur de Paris. Oui, les attentats ont eu un impact. Ranson dessine deux visiteurs devant deux policiers étonnés : Tiens, des touristes. C’est suspect, vérifions leurs papiers.

 

Agriculteurs

Presque tous les éditorialistes ce matin reviennent sur la crise. Mais c’est finalement le texte de Jean-Marc Chevauché dans Le Courrier Picard qui résume tout : " Leur disparition programmée a commencé par le vocabulaire. Un théâtre d'opérations est moins sale qu'une guerre a-t-on pensé ; un non-voyant fait moins peur qu'un aveugle sans doute ; un agriculteur a les mains plus propres qu'un paysan s'est-on dit. Les hommes de la terre eux-mêmes, presque honteux d'une intelligence non embarrassée de concepts ont accepté qu'on les couvre d'autres mots. On a cessé de les appeler paysans... Et on a commencé à les perdre. Le paysan est du pays ; l'agriculteur est de partout. Le paysan fait corps avec le paysage ; l'agriculteur l'exploite et le domine. Pays, paysan, paysage. En tuant ce triptyque, on a tué une singularité pour s'adapter à un monde dont plus personne ne veut aujourd'hui. Et on a commencé à étouffer le paysan. Ces temps derniers, c'est l'agriculteur qui, à son tour, meurt. Complice malgré lui, mais avec un syndicat ultra-majoritaire coresponsable d'un productivisme acharné, il n'a pas pu préserver le monde qu'il avait reçu en héritage. Le temps est venu de dire si nous voulons sauver nos agriculteurs pour en refaire des paysans. Et si le paysan était un homme d'avenir?"

Gastronomie

Il y a des résistants. On les trouve par exemple sur le site Reporterre qui rend compte d’une conférence avec José Bové, Serge Latouche, économiste pour la décroissance, et Carlo Petrini, fondateur du mouvement Slow Food qui se bat pour que l’être humain se réapproprie sa façon de manger. Une phrase à retenir : "Un gastronome qui n’est pas un écologiste est un imbécile, mais un écologiste qui n’est pas un gastronome est un triste sire". Et le message passe. La preuve par la revue 180° qui publie un hors série consacré à tous ces hommes et ces femmes qui ont décidé de changer de vie. Ils étaient chômeurs, lobbyiste ou informaticien, ils sont devenus paysans, restaurateurs ou bouchers. Jean-Luc, le gendarme devenu apiculteur pour épouser et comprendre la nature. Gisèle, architecte qui produit désormais des variétés anciennes de fruits rouges choisis par le groupe Ducasse. Aucun ne prétend que ça soit facile. Ramasser des framboises, aussi subtiles soient-elles, est très loin de la vie de palace même si ces dernières sont destinées à atterrir dans une coupelle en Baccarat. Mais toucher la terre, sentir l’air et la lumière, les odeurs, les bruits, c’est redécouvrir que l’on est vivant.

Souffrance au travail

Elle est peut-être là l’explication de ce besoin de changer de vie. Dans un article de L’Obs, sur la souffrance au travail. Pas la souffrance physique, les charges à porter ou les horaires, mais la souffrance éthique, le moment où le salarié s’aperçoit qu’on lui demande de faire quelque chose de moche. Ces téléconseillers que l’on encourage à omettre des informations pour faciliter une vente, ce calculateur de charpente qui sait que la réduction des coûts en ouvriers et dessinateurs risque de se payer et qui repense, chaque jour de neige ou de vent, à l’effondrement de la passerelle du Queen Mary, ce cadre bancaire honteux de vendre aux gens n’importe quoi. Certains font du zèle pour oublier les remords. Mais derrière, c’est tout un système économique fondé sur la performance, les objectifs financiers et la concurrence acharnée qui détruisent le lien social et la noblesse du travail.

Rap et sexisme

Je ne vous citerai pas les phrases que vous pouvez lire ce matin dans Le Figaro. Des textes de rappeurs sur les femmes. Chienne est le mot le plus prononçable dans ces extraits de poésies contemporaines. Les associations féministes dénoncent une banalisation du sexisme qui imprègne totalement l’univers des jeunes. Les rappeurs, eux, plaident la provocation, le second degré. Cynisme, répond le vice-président de la Ligue de l’Enseignement : « Le temps de l’adolescence n’est pas celui de l’autonomie mais celui des plus grandes dépendances. »

Henri Bergson

Les stars d’autrefois avaient plus d’allure. Quand Henri Bergson arrivait au Collège de France pour ses cours sur le temps et la durée, les femmes s’évanouissaient. Libération nous raconte comment on pensait ces cours disparus puisque le maître parlait sans notes. Mais Charles Peguy, qui les suivait assidument avait envoyé pendant ses périodes de maladie, en 1902 et 1903, des sténographes pour ne rien perdre de l’événement intellectuel. Les notes furent retrouvées en 1997 dans des boîtes et sont aujourd’hui publiées. Quand on lui lançait des bouquets de fleurs, Bergson protestait : "Je ne suis quand même pas une danseuse". Quand on compare ses textes et ceux de Booba ou de Gradur, on se dit qu’heureusement il n’était pas non plus rappeur.

 

VSD s’amuse à publier quelques perles récupérées sur les sites de maintenance informatique ou chez les webmasters : "Je n’y connais rien mais je veux que quand les gens allument leur ordinateur ils tombent sur mon site". "J’ai un problème avec Windows. Qu’avez-vous sur l’écran ? Euh, un pot de fleurs. Non, je veux dire : qu’est-ce qui est écrit ? Ah d’accord, Toshiba". Et pendant ce temps, les algorithmes se développent : Les Inrocks nous apprennent qu’un logiciel peut désormais produire des discours politiques tout à fait crédibles à coup de mots clefs : "Défendez la croissance" Est-ce que ce sont les logiciels qui se mettent à parler comme des politiques ou les politiques qui ont choisi de parler comme des robots ?