Natacha Polony, La Revue de presse 08.12.2015 1280x640 6:13
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La presse quotidienne revient de nouveau  mardi sur le succès du Front national lors du premier tour des élections régionales.

Ce matin en Une de vos journaux on en est toujours à peu près au même point :
La Croix : le Front National monopolise l’élection.
La Charente Libre : Désemparés face à la vague FN.
Le Figaro : Face au FN, gauche et droite cherchent la riposte.
Sud- Ouest : En désordre de bataille.
Le Parisien : Rien n’est joué.
L’Opinion : A droite, le grand doute.

 

Régionales

Bien sûr, il y a ceux qui sonnent le tocsin.
L’Humanité : Comment endiguer la vague brune.
Le site Slate consacre d’ailleurs un article à un détail révélateur : le choix des couleurs sur les cartes électorales. Il suffit de regarder la presse ce matin pour comprendre le malaise. D’un côté la gauche en dégradé du rose au rouge. La droite en bleu pour évoquer l’ordre, l’autorité. Mais le FN, en quelle couleur ?
Le Figaro a choisi le violet. En dehors du système.
Sur le site de l’Express, c’est le bleu marine. A l’extrême de la droite.
Même choix sur le site du Monde. Mais en Une du journal, la France est couverte de taches brunes. L’allusion est subtile.
Et dans Libération, c’est carrément du noir. La question, nous dit Christophe-Cécil Garnier est également âprement débattue sur la page Wikipedia intitulée "couleur politique". Mais elle en dit beaucoup plus sur celui qui choisit la couleur que sur le Front National lui-même. C’est à peu près la même chose pour la question du front républicain.
Dans Le Monde, Françoise Fressoz explique que "le front républicain a longtemps servi de barrage au FN".
Mais dans l’Opinion, l’historien Nicolas Lebourg propose une autre lecture. "Je suis dubitatif sur le front républicain : le souverain, c’est le peuple. Le front républicain peut marcher avec un FN à 15 %, pas avec un FN nationalisé, présent partout au second tour". Alors pourquoi le FN a-t-il explosé les digues ?
Libération le clame à sa Une : contre le FN, tous à côté de la plaque. Et de nous expliquer que la diabolisation, le dénigrement, ça n’a pas marché. Un mea culpa peut-être. Avec cette phrase magnifique de Laurent Joffrin : "On a cessé de parler au peuple. Les Français les plus modestes craignent la mondialisation, ils en éprouvent les graves inconvénients alors que les élites en voient surtout les avantages". Et donc ? Rien. Dominique Albertini explique d’ailleurs que le succès du Front National est une affaire de contexte. Chômage élevé, ras le bol fiscal, bouleversements géopolitiques. On peut appeler ça le contexte. Une sorte de fatalité. Comme si ça ne relevait pas de choix économiques et politiques de long terme.

Ecole

C’est un article sur le site du Figaro. Il révèle une conséquence de la réforme du collège. Pour répondre à la suppression des classes bi-langues, certains établissements privés, soumis aux mêmes règles que le public, proposent des cours de langue en dehors de la dotation horaire qui leur est impartie. Hors contrat donc et payant. Ici c’est une troisième langue pour 390 euros par an, là ce sont deux heures de chinois hebdomadaires pour 370 euros. C’est toujours la conséquence d’une dégradation de l’offre dans le public : la sélection ne se fait plus par le mérite, elle se fait par l’argent. Mais là aussi, on peut se contenter de déplorer le contexte.

COP 21

Les journaux continuent à commenter les tractations autour de la COP 21. Mais un article nous explique pourquoi tout cela risque de ne pas changer grand-chose.
Le chroniqueur du Monde, Stéphane Foucart, raconte comment les multinationales, sans jamais enfreindre la légalité, perpétuent leurs atteintes à l’environnement grâce à de petits arrangements avec la vérité. Au milieu des années 70, 15 ans avant la création du Giec, le géant du pétrole Exxon faisait plancher ses scientifiques sur la question sur le changement climatique. Parce que c’était une évidence. Mais la réaction d’Exxon a été de financer un mouvement climato-sceptique pour limiter la prise de conscience. Même choix pour Monsanto et son fameux herbicide Roundup : une instrumentalisation de la science et de la règlementation pour éviter de classer le glyphosate dans les produits cancérogènes. L’autorité européenne de sécurité des aliments vient de rendre un avis favorable sur ce produit en toute légalité.

États Unis et terrorisme

Le Monde revient sur les dernières déclarations de Barack Obama quatre jours après l’attaque de San Bernardino. A travers son appel à rallier les communautés musulmanes, on trouve le même désarroi qu’ici.
Une dure piqûre de rappel, juge Renaud Girard dans le Figaro, pour une Amérique qui était de plus en plus attirée par le néo-isolationnisme. Les constats qu’il dresse à travers le portrait du couple tueur, (la pauvreté n’explique par la violence islamiste, la frustration politique non plus) valent aussi pour nous : nous avions voulu croire à la mort des idéologies. L’islamisme nous rappelle qu’elles existent et qu’elles n’ont pas de frontière.

Vols de tableaux

C’est une histoire étonnante dans un petit article des Echos. On a retrouvé des tableaux volés dans un musée hollandais en 2005. Ils sont entre les mains d’une milice néo-nazie ukrainienne en cheville avec les services secrets et des partis politiques officiels et qui combat les séparatistes pro-russes.
Le but de ces révélations : éviter la revente des tableaux dans les circuits illégaux du marché de l’art. 10 millions d’euros, ça ferait beaucoup pour une milice.

 

Voilà un futur casse-tête de droit international. Libération consacre une page à la découverte de l’épave du San José. Un galion espagnol chargé de l’or du nouveau monde et qui coulé dans les eaux colombiennes par des corsaires anglais en 1708. Le trésor vaudrait entre 1 et 5 milliards d’euros, peut-être 10. Mais à qui appartient-il ? Si c’est un navire de guerre, une jurisprudence de l’Unesco pourrait le rendre à l’Espagne. Mais la Colombie n’a pas ratifié la convention sur le patrimoine sud-aquatique. L’or, lui, venait du Pérou. Une belle bataille en perspective. Qui permettra d’oublier les massacres et l’éradication d’une civilisation humaine par l’alliance de l’idéologie et de l’appât du gain. Rien de nouveau sous le soleil.