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Chaque samedi, François Clemenceau, rédacteur en chef au "Journal du dimanche", revient sur un événement international.

Ce matin, François Clemenceau, on vous retrouve au G20 à Buenos Aires en Argentine que vous couvrez pour le JDD. L’Argentine, comme la plupart des grands pays du continent sud-américain, avait retrouvé la démocratie avec la gauche mais elle met aujourd'hui clairement le cap à droite.

Et celui qui incarne aujourd’hui ce changement de cap, c’est l’hôte du sommet, Mauricio Macri, il aura 60 ans en février, c’est le premier président de l’Argentine qui n’est pas issu de la gauche ou du péronisme. C’est un néo-libéral assumé, ancien banquier, né dans une famille d’industriels, propriétaire d’un club de football qui disputera la semaine prochaine la finale de la coupe inter-américaine. Bref, le profil type de ce que la gauche latino appelle l’oligarchie. Est-ce pour autant un retour aux années de plomb lorsque les militaires s’acoquinaient avec les grands propriétaires pour diriger le pays d’une main de fer. Non.

Emmanuel Macron a rendu hommage avant-hier aux dizaines de milliers de victimes de la dictature mais certains de ses barons ou technocrates qui n’ont pas de sang sur les mains, gravitent encore dans les cercles du pouvoir avec Mauricio Macri.

Et l’Argentine n’est pas un cas à part dans ce virage à droite continental

C’est évidemment le cas du Brésil, dont on déjà beaucoup parlé, avec la victoire de Bolsonaro, qui fait fuir nombre de militants des droits de l’homme et du monde de la justice et de la presse. Mais aussi du Chili. Sebastian Pinera, 70 ans, n’est pas nouveau dans le paysage, il avait déjà exercé la présidence entre 2010 et 2014, en mettant fin à vingt ans de pouvoir du centre-gauche post-Pinochet. Mais le retour aux affaires de Pinera après le mandat décevant de la socialiste Michelle Bachelet, fille d’un général qui avait servi Allende, montre bien à quel point le pays se cherche toujours entre nostalgie de l’ordre ancien et social-démocratie en quête de performance.

En Colombie, là aussi, c’est la droite dure qui est de retour depuis l’an dernier avec Ivan Duque, l’ancien bras droit du président Uribe. Tous deux ont rejeté l’accord de paix avec la guérilla des FARC signée par le président Santos qui avait pris ses distances avec la droite colombienne. Duque se décrit comme un homme fort et sa bête noire s’appelle aujourd’hui Nicola Maduro, le tyran chaviste vénézuélien.

N’est-ce pas au fond la radicalité de la gauche sud-américaine qui a provoqué cette bascule à droite ?

En suivant les manifestations anti-G20 ici à Buenos Aires qui ont mobilisé les troupes des mouvements de gauche régionaux, on pourrait le penser. Sauf que la gauche au pouvoir en Argentine, au Chili ou au Brésil, n’a pas pêché par radicalisme, elle s’est au contraire évertuée à s’adapter aux réalités, et, comme tant d’autres en Europe, n’a pas su répondre aux impatiences. Il n’empêche qu’au Venezuela comme au Brésil aujourd’hui, ce n’est plus une question de gauche ou de droite mais de populisme et d’oppression. Ce sera ça le clivage de demain.