Florence Aubenas : "En France, on ne nous laisse pas tomber"

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SAISON 2013 - 2014, modifié à

La journaliste, tenue en captivité pendant 5 mois, raconte que l'espoir demeure car on sait que la France n'abandonne pas ses otages.

Florence Aubenas, journaliste, ancienne otage et présidente du comité de soutien aux otages Didier François et Édouard Élias

Ses principales déclarations :

Comment on tient, quand on est otage ?

"Je ne sais pas s'il y a quelque chose d'universel, une manière de se raccrocher pour tous... Je crois que c'est même l'inverse : chacun a sa manière de faire. Je me souviens de ma captivité, nous nous sommes revus avec certains otages, nous avions eu l'impression de vivre la même chose sur place mais en vérité chacun avait son coin à soi, dans sa tête, où il se réfugiait, où il se mettait à l'abri."

Penser à ceux qui ont été libérés aide à tenir ?

"Chacun pense qu'il va s'en sortir, l'espoir reste là. Se dire qu'en France nous sommes dans un pays où l'on se mobilise est extrêmement important, nous avons cette chance d'avoir des concitoyens qui se mobilisent, c'est fondamental. Les geôliers ne vous le disent pas, ils ne m'ont rien dit, mais j'avais confiance, je savais que ça se passe ainsi en France."

"La libération est un tel bonheur ! Beaucoup d'euphorie, on est hors de soi-même. On passe d'un endroit où on est rien à la pleine lumière, c'est extraordinaire."

Ça ne dure qu'un temps ?

"Oui, mais on décrit toujours ça... Quand je suis rentrée, les gens me demandaient : "Comment ça va ?" Je répondais : "Très bien !" Et ils répondaient : "Comment ça, très bien ?" Il y a une petite déception, les gens s'attendent à une dépression, un contre-coup. Pas forcément ! On sort, on est content. C'est banal à dire, mais c'est une seconde naissance ! Nous étions de l'autre côté du miroir et on revient dans ce monde-ci."

"Je ne me suis pas fait aider, mais je reste modeste, on me dit que ça viendra plus tard ! Quand j'en aurai besoin, je le ferai. Mais c'est le cas de la plupart des gens, c'est normal. Je n'ai jamais fait de cauchemar, mais chacun envisage les épreuves de la vie comme il peut. C'est l'important : se dire qu'on est fragile, qu'on s'est retrouvé entre les mains de quelqu'un, s'en remettre. Il faut le prendre avec modestie, comme on peut."

Il y a une souffrance, une épreuve des familles...

"Oui, c'est un rôle extrêmement ingrat, comme celui de toutes les rédactions qui attendent. Je le dis ici à Europe 1, où l'on attend Didier François... Un rôle ingrat et compliqué : on sollicite, on est dans l'attente, dans la demande, avec un horizon bouché... Ce rôle de Pénélope, on ne le prend pas souvent en compte. J'espère qu'ils seront aidés. Les familles n'ont pas beaucoup plus d'information, elles ont peut-être accès aux preuves de vie plus facilement. Le succès des négociations tient au secret, au confidentiel : quand elles émergent, ça part sur les côtés. La confidentialité est un gage de réussite."