Le Ceta, la politique espagnole et Patrick Kanner : Les Experts d'Europe 1 vous informent

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SAISON 2016 - 2017, modifié à

Axel de Tarlé, Henry de Laguérie et Géraldine Woessner font le point sur l'actualité du jour.

>> Dernière ligne droite pour le Ceta

On saura ce soir si la Belgique (et plus précisément la Wallonie) fait définitivement capoter l'accord de libre-échange Europe-Canada. Cet accord "Ceta" va-t-il permettre aux multinationales américaines d'attaquer des Etats européens ? La réponse est oui, estime Axel de Tarlé.

Pourquoi alors accepter ces tribunaux privés ? C'est une demande des Canadiens qui ont des doutes sur certains systèmes judiciaires de certains pays d'Europe de l'Est. Ils craignent par exemple, des expropriations qui seraient abusives. De la même façon que les Français quand ils investissent dans certains pays africains, les Canadiens se méfient des systèmes judiciaires et exigent de pouvoir recourir à ces tribunaux d'arbitrage.

Les Européens ont obtenu que cette justice privée soit très encadrée. D'abord, les juges sont nommés par la Commission Européenne. Ensuite, tout ce qui relève de la régulation est exclu de ces procédures. C'est-à-dire que si le gouvernement français prend des décisions, sur les normes médicales, environnementales, sanitaires, culturelles, c'est  inattaquable.

L'idée, c'est d'éviter des décisions gouvernementales qui seraient arbitraires. Le cabinet du ministre Mathias Fekl (Mathias Fekl, secrétaire d'Etat chargé du commerce extérieur, qui était contre l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis (Tafta) à cause de  ces tribunaux privés, explique que là, avec les Canadien, le système est bordé. Il n'y a pas de risque d'abus.

Après tous ces aspects techniques, on peut quand même s'interroger sur la pertinence de ces accords de libre-échange. L'Europe n'est-elle pas trop ouverte à la mondialisation ? L'Europe n'a fait que s'ouvrir à la mondialisation depuis 30 ans, aux importations chinoises, par exemple et il s'exprime un ras-le-bol de la mondialisation et cet accord est victime de ce ras-le bol, alors, que - justement - cet accord Ceta permet de réguler cette mondialisation : on va protéger par exemple au Canada, l'appellation Roquefort, qui aujourd'hui n'est pas protégé. 

 

>> L’indéboulonnable optimiste Patrick Kanner

Le ministre de la Ville, l’un des derniers soutiens de François Hollande est monté au créneau hier, sur Europe 1, pour défendre la politique du gouvernement, face aux policiers en colère. "Il n'y a jamais eu autant de sanctions dans notre pays. Deux chiffres : 50.000 personnes en prison en 2012, aujourd'hui 70.000 (...) "La durée moyenne pour un détenu c'était en 2007, 8,3 mois. Aujourd'hui c'est 10,4 mois." 

On n’aurait donc jamais autant condamnés qu’aujourd’hui… C’est vrai ou c’est faux ? Complètement faux, répond Géraldine Woessner, à la fois dans la lettre et dans l'esprit. Les chiffres, d’abord. Il n’y avait pas 50.000 personnes en prison, mais 67.000 au 1 juin 2012, quand François Hollande a été élu. Il y en a au 1er septembre : 68.200, donc pas 20.000 de plus, mais 1.200, et comme la population a augmenté dans le même temps, comme le nombre de crimes et délits, la réalité c’est qu’on emprisonne moins qu’avant.

Maintenant ces détenus sont-ils plus lourdement condamnés ? Là non plus ce n'est pas évident. La durée moyenne d’emprisonnement en 2007, en dehors des peines très lourdes pour les assassins, était de 7 mois et demi. Elle est aujourd’hui de 8,4 mois, pas 10,4. 

 Avec un mois de plus, on pourrait penser que c'est plus sévère. or, les peines de prison ne représentent qu’une fraction des peines prononcées par la justice : 20%. Et il y a tout le volume des autres condamnations, qui lui, est en baisse, les bilans du ministère le montrent : 604.000 condamnations prononcées par les tribunaux en 2011, 580.000 en 2015. Le taux de réponse pénale a baissé de 6 points en 4 ans, avec deux fois plus de classements sans suite : c’est un fait, on condamne moins.

Mais est-ce parce que la justice est plus laxiste ? Les mesures alternatives aux poursuites, les sanctions éducatives, les dispenses de peines représentaient 15,9% du total des condamnations en 2011, 15,8% en 2015. On ne prononce pas moins de peines d’emprisonnement, pas moins de sursis. En revanche une statistique a baissé, c’est celle des effectifs de la justice, je vous parle des postes réels, des greffiers et des magistrats effectivement actifs dans les juridictions. Ils se sont légèrement érodés, on a toujours 2 fois moins de juges par habitant que la moyenne européenne.