Voiture autonome : quel rôle pour les entreprises du numérique ?

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Uber envisage de créer une flotte de voitures sans chauffeur. © UBER / AFP
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Clément Lesaffre
Uber, Google, Apple : de nombreuses entreprises du numérique investissent dans la recherche concernant les voitures autonomes. De là à bousculer les constructeurs traditionnels ?

La voiture autonome est l’alliance de deux technologies. L’une, traditionnelle, a trait à la fabrication des véhicules. L’autre, récente, concerne le numérique et plus précisément la cartographie informatique, les GPS, l’intelligence artificielle… Rien d’étonnant donc à ce que les véhicules "sans chauffeur" séduisent à la fois les constructeurs automobiles historiques – Volkswagen a présenté un prototype au salon de Genève – et les entreprises de l’économie numérique. Ces dernières nourrissent d’ailleurs de sérieuses ambitions pour peser dans un marché qui s’annonce lucratif.

Le projet ambitieux de Google. C’est donc plein d’enthousiasme qu’Apple et Google, entre autres, se sont lancés dans des projets de véhicules autonomes au début des années 2010. Fidèle à sa stratégie de communication, Google a dévoilé beaucoup de détails sur son projet. L’objectif initial était de fabriquer soi-même une petite voiture électrique autonome, baptisée "Google car". Pour ce faire, le géant américain s’est appuyé sur Sebastian Thrun, fondateur de l’application Street View.

En partant de ce savoir-faire en matière de cartographie et de modélisation de l’espace public en trois dimensions, Google a développé son propre système de pilotage automatique, basé sur des capteurs, des lasers, des radars, des GPS et des caméras. Des prototypes de "Google car" ont été équipés pour des démonstrations publiques afin de convaincre les autorités américaines de l’intérêt du projet.

Google Car

Mystère chez Apple. De son côté, Apple, également fidèle à sa stratégie de communication, a entouré son projet de mystère. Baptisé "Titan", le programme aurait été, selon les rumeurs, approuvé par le PDG Tim Cook fin 2014 et emploierait des centaines de personnes. Il serait aussi question d’une voiture électrique, avec un lancement prévu en 2021. Apple n’a cependant jamais fait de déclaration quant au développement d’un véhicule autonome.

Du rêve à la réalité. Seulement, l’année 2016 a été celle du "renoncement partiel" pour Google et Apple. En avril, la première a annoncé la création de Waymo, une nouvelle entreprise intégrée au groupe, qui concevra et vendra des logiciels de conduite automatique aux constructeurs automobiles. Plus question donc de faire rouler sa propre voiture sans chauffeur : la "Google car" s’arrête au stade de prototype.

En septembre, le New York Times affirmait qu’Apple aurait également abandonné l’idée de fabriquer une voiture elle-même. Selon les dernières informations qui ont filtré, la marque à la pomme préfèrerait désormais se concentrer sur la conception des logiciels nécessaires aux véhicules autonomes. Dans une lettre envoyée à l'agence fédérale de sécurité routière américaine en décembre, Apple explique également souhaiter travailler avec les autorités à l’élaboration d’un cadre législatif adapté aux voitures sans chauffeur.

Uber dans la course. Les ambitions revues à la baisse de Google et Apple n’ont pas refroidi Uber. La plate-forme de VTC s’est lancée à son tour dans l’aventure de la voiture autonome, en 2016. Forte de son expérience dans le secteur des VTC, l’entreprise américaine a, elle, choisi de s’associer avec Volvo et Ford pour proposer dès 2021 des véhicules sans chauffeur. Des tests ont d’ores et déjà été menés à San Francisco et Pittsburgh.

"Nous savons que les Ubers autonomes ont un potentiel énorme pour accomplir notre mission et améliorer la société : réduire le nombre d'accidents de la route, qui tuent 1,3 million de personnes par an, libérer 20% de l'espace urbain mangé par les places de stationnement pour des milliards de voitures et réduire les embouteillages qui font perdre des milliers de milliards d'heures par an", a affirmé Travis Kalanick, le PDG d’Uber. La réalité est toutefois un peu moins noble : en proposant un service de voiture avec chauffeur… sans chauffeur, Uber s’offrirait une réduction drastique de ses coûts de fonctionnement.

Plusieurs entreprises sur les rangs.D’autres entreprises de l’économie numérique ont décidé de s’essayer aux voitures autonomes. C’est le cas d’Intel, le fabricant de microprocesseurs et de cartes mères, qui s’est allié à BMW en 2016 (il travaillait déjà sur les voitures connectées de Ford, Hyundai et Kia). Le constructeur allemand s’occupera des véhicules et Intel fournira le logiciel de pilotage automatique. Là encore, l’échéance de commercialisation est fixée à 2021. Soit un an après la voiture issue du partenariat entre Audi et Nvidia, entreprise américaine spécialisée dans les cartes graphiques pour PC et consoles de jeux vidéo. Là encore, chacun s’en tient à son domaine de compétences.

Un marché lucratif. Pour ces entreprises numériques, l’enjeu est tout autant technologique qu’économique. Des dizaines de projets de voitures autonomes sont en cours de développement et le marché s’avère prometteur, à long terme. Il y a des affaires à faire concernant les logiciels de conduite sans pilote. La maîtrise technologique de Google, Apple ou Intel (intelligence artificielle, traitement des données…) est supérieure à celle des constructeurs traditionnels. Certains ont les moyens de mobiliser des équipes en interne pour combler leur retard, mais les "petits" constructeurs sont bien obligés de faire appel à aux acteurs de l’économie numérique. Ces dernières se disputeront donc le marché des systèmes de pilotage automatique.

Des débouchés nouveaux. Mais certaines entreprises, Apple en tête, pourraient avoir un autre objectif en tête. Également impliquée dans l’industrie du divertissement, la marque à la pomme se positionne sur les voitures autonomes en anticipant l’un des changements qu’elle implique : comment occuper le "conducteur" - qui ne conduit donc plus - et les passagers. Le transport automobile autonome ouvre des possibilités encore inconnues en termes de divertissements – film, lecture et même jeu vidéo ! – ou de travail, la voiture devenant un possible prolongement du bureau.

La France veut peser. En attendant, les constructeurs traditionnels gardent la main sur le marché en devenir des véhicules autonomes. Au-delà des marques citées ci-dessus, Tesla, Toyota, Mercedes, Hyundai et General Motors sont dans la course. Les Français sont également bien placés. Citroën et Renault ont effectué des premiers tests sur route ouverte, dans des conditions de circulation réelles, en début d’année. L’équipementier automobile Valeo prend position sur le marché des logiciels de conduite avec déjà une belle performance au compteur : des expérimentations en pleine journée sur le périphérique parisien !