Une taxe sur les transactions financières édulcorée pour 2016

Les banques ont poussé à réduire le champ d'action de la future taxe sur les transactions financières.
Les banques ont poussé à réduire le champ d'action de la future taxe sur les transactions financières. © Reuters
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Damien Brunon
TOBIN OR NOT TOBIN - Appliquée sur certains produits financiers et dans seulement dix pays, la nouvelle taxe a subi la loi du lobby bancaire.

L’INFO. Promise en 2011 par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, l’idée d’une taxe sur les transactions financières, aussi appelée taxe Tobin, à l’échelle européenne prendra finalement forme début 2016. Elle ne ressemblera néanmoins pas au projet esquissé à la base par la Commission européenne puisqu’elle ne sera appliquée que dans dix pays européens et ne concernera pas tous les produits financiers.

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La taxe Tobin, qu’est-ce que c’est ? L’idée d’une taxe sur les transactions financières n’est pas nouvelle : elle a été imaginée en 1972 par le Prix Nobel d’économie américain James Tobin, avant d’être popularisée en France par le collectif altermondialiste Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne).

Le principe est simple : prélever un très faible pourcentage sur chaque transaction. Reste ensuite à définir quels types d’échanges sont taxés : les transactions monétaires, les ordres de Bourse, voire les obligations d’Etat et les échanges sur les marchés dérivés. La taxe Tobin présente l’avantage d’être indolore puisqu’elle concerne des transactions qui se chiffrent en milliards d’euros chaque jour.

Qu’avait esquissé la Commission européenne ? A la base, le projet européen prévoyait qu’une dizaine de pays de l’Union européenne, dont la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, mais pas le Royaume-Uni, mettent en place un telle taxe, dans le cadre d’une coopération renforcée. La Commission européenne avait présenté en février 2013 un projet qui prévoyait d’imposer à hauteur de 0,1% les actions et les obligations et à 0,01% les produits dérivés.

Selon ce plan, la taxe aurait dû rapporter jusqu’à 35 milliards d’euros par an. Mais déjà à l’époque, la proposition avait soulevé de nombreuses réserves. Pierre Moscovici, alors ministre de l’Economie, avait même déclaré que “la taxe sur les transactions financières suscite des inquiétudes quant à l’avenir industriel de la place de Paris et quant au financement de l’économie française”. L’exécutif européen s’était alors dit prêt à amender l’idée tout en appelant les Etats à passer à l’acte.

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Qu’est-ce qui a été négocié finalement ? Malgré la déclaration de principe relative à la mise en place d’une taxe Tobin à l’horizon 2016, il est encore difficile de réellement comprendre ce qu’il va se passer. En effet, aucun accord final n’a encore été conclu sur l’assiette et l’ampleur de cette taxe. Une seule chose est sûre pour le moment : on ne prévoit plus de récolter plusieurs dizaines de milliards d’euros par an, mais plutôt cinq ou six.

On sait également que tous les produits financiers ne devraient pas être taxés puisque seulement “quelques produits dérivés”, selon les termes de la déclaration officielle, seront concernés.

Suivant un projet dont Reuters avait eu la description début 2013, le taux d'imposition normal pour les actions et les obligations risquait déjà de tomber à 0,01% de la valeur des transactions contre 0,1% dans le projet d'origine. Les modalités de recueil de cette taxe n’ont pas, elles non plus, été présentées.

Qu’est-ce qui a fait reculer les partenaires européens ? Premier élément : même au sein des dix pays qui souhaitent la taxe, l'alliance est fragile. Certains pays ont même signé pour ne pas se mettre l'Allemagne à dos. Mais c’est sans compter la pression du Royaume-Uni, farouchement opposé à la proposition. Outre-Manche, on menace même de saisir les tribunaux si la taxe est préjudiciable. "La taxe sur les transactions financières n'est pas une taxe sur les banques mais sur l'emploi, sur les retraites et sur les retraités", a répété le ministre des Finances britannique George Osborne.

Les partenaires européens ont également subi la pression les lobbys bancaires. Dans un communiqué, la Fédération bancaire française a rappelé mardi "son opposition à une telle taxe sur les entreprises, qui intervient de manière particulièrement contreproductive au moment où l'économie semble pouvoir se retourner". Il faut dire que le projet initial, qui proposait de taxer tous les produits dérivés, n’a pas du tout plu à l’Allemande Deutsche Bank et à la Française BNP Paribas, particulièrement friandes de ces montages très risqués, mais aussi très lucratifs.

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A quel point les produits dérivés ont de l’importance ? Chez Deutsche Bank, ce type de produit financier représente à lui seul 55.6000 milliards d’euros d’actifs contre 48.300 milliards à la BNP. Dans l’Hexagone, la Société générale et le Crédit agricole ne sont pas non plus en reste en la matière et possèdent respectivement 19.200 et 16.700 milliards d’euros. Imposer une taxe pourrait donc faire perdre une somme assez importante à chacun des acteurs du milieu.

De plus , contrairement aux actions, les produits dérivés peuvent être achetés et échangés depuis n’importe quelle place financière. “Si des acheteurs veulent des actions françaises, ils n’ont pas le choix, ils doivent les acheter à la Bourse de Paris. Pour les produits dérivés, ce sont les mêmes partout. Donc si ils sont taxés à Paris et pas à Londres, immédiatement, on tue le métier en France”, analyse Axel de Tarlé, éditorialiste à Europe 1.

Et le business n’est pas prêt de s’arrêter. Le cabinet AlphaValue, se basant sur les chiffres de la Banque des règlements internationaux, estime que leur valeur totale des produits dérives au premier semestre 2013 dans le monde s'élevait à 693.000 milliards de dollars (plus de 503.916 milliards d’euros). La bagatelle de dix fois le PIB mondial.

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