Taxe sur les dividendes : une surtaxe exceptionnelle sur les sociétés qui fait débat

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Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a défendu un projet de loi de finances rectificatives à l'Assemblée, lundi. © Lionel BONAVENTURE / AFP
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L'Assemblée a adopté lundi soir en urgence un projet de loi de finances rectificative instaurant une hausse temporaire de l'impôt sur les sociétés des plus grands groupes français. 

Le gouvernement voulait aller très vite. Il aura tout de même fallu six heures de débat, mais c'est chose faite : l'Assemblée nationale a adopté, lundi soir, un projet de loi de finances rectificative pour l'an prochain. Le texte doit permettre de compenser le remboursement de la taxe sur les dividendes, censurée par le Conseil constitutionnel début octobre. Explications.

Pourquoi un projet de loi de finances rectificative ?

Le 6 octobre dernier, le Conseil constitutionnel, a rendu une décision fort gênante pour l'exécutif. Les Sages ont censuré la taxe de 3% sur les dividendes, un impôt mis en place en 2012, après l'élection de François Hollande. Et ce, en raison d'une non-conformité d'une atteinte au "principe d'égalité".

Ce prélèvement rapportait 1,8 milliard d'euros chaque année, en ponctionnant les plus grands groupes français. En l'invalidant, le Conseil constitutionnel a donc contraint l'État à dédommager ces groupes, à hauteur de 10 milliards d'euros.

L'exécutif a donc dû chercher en catastrophe une solution pour trouver ces 10 milliards. Il a décidé d'en prendre la moitié en charge, mais pas la totalité pour ne pas prendre le risque d'exploser le déficit public, que Paris veut conserver sous la barre des 3% en 2018. Les 5 milliards restant seront donc récoltés via une nouvelle taxe. C'est la fameuse "surtaxe exceptionnelle sur les sociétés" votée lundi.

Comment fonctionne la surtaxe exceptionnelle ?

Il s'agit d'une hausse temporaire de l'impôt sur les sociétés pour 320 grandes entreprises françaises, qui réalisent plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires. Actuellement, elles paient 33,3% d'impôt. Ce taux passera exceptionnellement à 38,3% l'an prochain. Pour celles dont le chiffre d'affaires dépassera les 3 milliards d'euros, une taxe additionnelle à 43,3% sera même appliquée.

Mais à chiffre d'affaires égal, toutes les entreprises concernées ne sont pas logées à la même enseigne. Certaines seront perdantes, d'autres gagnantes, car elles toucheront plus de remboursement de la taxe sur les dividendes qu'elles ne paieront de surtaxe exceptionnelle. C'est le cas, notamment, de seize des plus grands groupes français, au chiffre d'affaires supérieur à 13,9 milliards d'euros. En moyenne, ces seize sociétés-là percevront 166 millions d'euros de remboursement.

Que dit l'opposition ?

La surtaxe exceptionnelle a fait grincer les dents du Medef. "Ce que s'apprête à faire le gouvernement, qui est de prélever les entreprises, c'est une injustice totale", s'est agacé le vice-président de l'organisation patronale, Thibault Lanxade, sur Boursorama fin octobre.

Sans surprise, à l'Assemblée nationale, l'opposition était vent debout, lundi, contre cette surtaxe exceptionnelle. À gauche d'abord, on s'est insurgé que l'État paie 5 milliards d'euros de sa poche. "Le mammouth financier ne mérite pas que la Nation paie encore pour l'engraisser un peu plus", a tonné le député France Insoumise Eric Coquerel. Avec les communistes, son groupe a proposé de financer cette moitié en repoussant la réforme de l'ISF, ce qui a (évidemment) été refusé.

À droite, Les Républicains ont critiqué la méthode. L'élu LR Eric Woerth a ainsi fustigé la "précipitation" de l'exécutif et une forme de "théâtralisation fiscale". Sur le fond, une augmentation de l'impôt sur les sociétés n'a, bien sûr, pas plu aux libéraux. "Vous faites du Brel", a lancé le Constructif Charles de Courson. "T'as voulu voir la baisse et on a vu la hausse." Reste que l'arithmétique étant toujours du côté de la majorité, le projet de loi de finances rectificative a été adopté sans problème. Il devra maintenant passer l'épreuve du Conseil constitutionnel. Avec, l'espère le gouvernement, plus de succès que la taxe sur les dividendes.