SNCM : le coup de grâce ?

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Sophie Amsili avec Isabelle Ory, Nathalie Chevance et agences , modifié à
L'UE exige le remboursement de 220 millions d'euros d'aides publiques "illégales". Coup dur.

La décision. La Commission européenne a tranché. La Société nationale Corse-Méditerranée (SNCM) devra rembourser quelque 220 millions d'euros d'aides publiques dans un délai de quatre mois. Cette somme correspond aux subventions versées par l'Etat français à la compagnie maritime française de 2007 à 2013 pour le "service complémentaire" opéré en haute saison pour desservir la Corse et le continent.

Pourquoi une telle décision ? La Commission européenne vise en fait les navires transportant exclusivement des touristes : c'est une activité rentable, donc la concurrence doit jouer, juge Bruxelles qui  enquêtait suite à une plainte déposée en 2007 par l'italien Corsica Ferries, principal concurrent de la SNCM. "Ces subventions ont procuré un avantage injustifié à la SNCM et doivent par conséquent être restituées aux contribuables", estime dans un communiqué la Commission. En revanche, les autres subventions de l'Etat français pour la desserte "de base" tout au long de l'année entre la Corse et Marseille ont été jugées conformes aux règles de l'Union européenne.  

31.03.Ferry SNCM

1.400 emplois menacés. Pour la SNCM, le coup est rude. En perte de vitesse ces dernières années, la compagnie a accusé une perte de plus de 13 millions d'euros, pour un chiffre d'affaires de 299 millions en 2012. Le groupe tente, de plus, de se maintenir à flot dans un contexte difficile : des grèves à répétition d'abord et une crise de gouvernance ensuite. Le rachat par Veolia Environnement de 66% du capital de la SNCM qui était détenu jusqu'à présent par sa coentreprise Veolia Transdev est en effet contesté par les syndicats.

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Mais pour Bruxelles, les difficultés financières de la compagnie, qui emploie 1.400 personnes, ne sont pas une raison pour ne pas exiger le remboursement des subventions jugées illégales : "c'est de l'argent que les contribuables ont payé pour de mauvaises raisons", fait valoir Olivier Bailly, porte-parole de la Commission européenne au micro d'Europe 1. "S'il y a un problème de trésorerie, ce sera à cette société avec les autorités françaises de voir les solutions à apporter. Nous, nous défendons le consommateur, le contribuable et le droit. Cette aide est illégale et doit être remboursée", a-t-il insisté.

La SNCM et Paris décidées à faire appel. La SNCM a déjà annoncé son intention de faire appel. "Les voies d'appels et de recours en droit pour contester cette décision de l'Europe existent. Nous allons les saisir avec la plus grande fermeté et la plus grande détermination", a prévenu la direction dans un communiqué. Une direction qui réaffirme son optimisme quant à l'"avenir industriel" de la SNCM : "nous avons déjà connu des périodes agitées et nous savons que les vents contraires vont souffler fort, mais nous gardons le cap de la transformation".

Même détermination du côté du gouvernement français qui a deux mois pour faire appel. Il assure dans un communiqué "se réserver toutes les voies de droit pour contester la décision de la Commission européenne".

Les syndicats "choqués". Du côté des syndicats, le ressentiment est fort : l'Union européenne fait "parfois preuve d'intégrisme", juge Maurice Perrin, délégué CFE-CGC, qui se dit "choqué" par la décision de Bruxelles.  Au micro d'Europe 1, Camille Abboche délégué CFTC à la SNCM, évoque "un dégoût, une haine, un état de nerf" à l'annonce de la décision de la Commission européenne. "Nous, représentants de syndicats, (…) on n'arrive pas à sortir la tête de l'eau. On est abandonnés par tous. Il n'y a que des effets d'annonce, aucun acte concret de la part des gouvernements et des responsables politiques. (…) On a abandonné Petroplus, On a abandonné  Florange et aujourd'hui on va abandonner la SNCM ?"

D'autres remboursements ? La SNCM ne doit en outre pas exclure de nouvelles décisions de Bruxelles : l'exécutif européen examine toujours un ensemble de mesures de soutien, d'un montant total d'environ 230 millions d'euros, liées à la restructuration et à la privatisation de la compagnie entre 2002 et 2006.