Ordonnances travail : pourquoi il faut s’attendre à une hausse des licenciements

La loi Travail du gouvernement pourrait avoir des effets pervers.
La loi Travail du gouvernement pourrait avoir des effets pervers. © ALAIN JOCARD / AFP
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avec Olivier Samain , modifié à
Paradoxalement, la réforme du travail pourrait entraîner une augmentation temporaire des licenciements. Le chômage ne baisserait que dans un deuxième temps.

Réforme du travail, étape 3. Après la réflexion avec les partenaires sociaux et la présentation des ordonnances par le gouvernement, place à la contestation dans la rue. Syndicats, représentants politiques, militants et simples citoyens sont invités à manifester mardi dans toute la France, à l’appel de la CGT. Parmi les arguments des opposants à la réforme, il y en a un qui revient souvent : elle ne serait absolument pas efficace pour lutter contre le chômage. A en croire les économistes, dans cette affirmation, il y a du vrai… et du faux.

Licenciements facilités. Comme toute réforme du travail, celle d’Emmanuel Macron s’accompagne d’"un effet négatif qui facilite les licenciements et un effet positif qui encourage les embauches", explique Xavier Timbeau, directeur principal de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), pour Europe 1. Logique, puisque dans le paquet de mesures du gouvernement, celles qui visent à protéger les salariés sont contrebalancées par une plus grande flexibilité accordée aux patrons.

" On s’attend à ce que l’effet licenciement domine au début "

Parmi les points qui favorisent les licenciements, on peut noter le plafonnement des indemnités prud’homales, le fait qu’un employeur ne pourra plus être condamné sur la forme si les prud'hommes lui donnent raison sur le fond ou encore la création d’un dispositif de rupture conventionnelle collective qui rend possible la définition d’un cadre commun de départs volontaires. Cette dernière mesure inquiète particulièrement les syndicats. "Est ce que c'est une façon d'éviter un PSE (plan de sauvegarde de l'emploi) ?", s’interroge Philippe Martinez.

Les employeurs licencient car ils le peuvent. Avec ces mesures, "les entreprises vont peut-être licencier davantage au début, comme en Espagne après une réforme similaire, en 2012", précise Philippe Gudin de Vallerin, chef économiste Europe de la banque Barclays. En effet, les études menées après des réformes visant à flexibiliser le marché du travail, montrent l’existence d’un "effet d’aubaine" : dès qu’on leur en donne la possibilité, et même si ce n’est pas le but de la réforme, la plupart des entreprises licencient les employés qu’elles conservaient à cause de contraintes trop strictes. Une sorte de "libération", avant que les embauches ne prennent le dessus.

Les embauches viendront après. Mais dans un premier temps, il y a un risque bien réel de voir les licenciements augmenter au cours des premiers mois qui vont suivre l’entrée en vigueur des ordonnances. "On s’attend à ce que l’effet licenciement domine au début. Reste à savoir combien de temps", souligne Xavier Timbeau. "C’est un effet qui a été difficile à observer, notamment son lien avec la conjoncture économique."

" A terme, la réforme du gouvernement créera des emplois "

Les deux économistes invitent donc à positiver. "Ce n’est jamais le bon moment pour faire une réforme du travail. C’est simplement un meilleur moment aujourd’hui qu’il y a deux ans", résume Xavier Timbeau, ajoutant : "On est dans une phase de créations d’emploi donc il y a de bonnes chances pour que l’effet positif arrive assez vite…". "Le risque de voir des emplois détruits est moindre que si on avait fait cette réforme en période de conjoncture basse", confirme Philippe Gudin de Vallerin. D’autant que "des entreprises qui se retiennent d’embaucher aujourd’hui, pourraient décider de passer à l’acte grâce à cette réforme". L’économiste de Barclays l’assure : "à terme, la réforme du gouvernement créera des emplois".

Attention à la précarisation. Néanmoins, Xavier Timbeau appelle à être attentif à la dégradation de la qualité des emplois. La récente baisse du taux de chômage, au sens du BIT (9,5% actuellement contre 10% il y a un an), est en effet en grande partie due à une hausse des CDD, de l’intérim et des emplois en temps partiel. Il faudra sans doute attendre un peu plus longtemps pour que les embauches soient à nouveau constituées de CDI et autres formes d’emplois stables.